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06/06/2015

LE FILM " EN QUETE DE SENS" FAIT SALLE COMBLE A PERIGUEUX

Dans le cadre de la Semaine Européenne du Développement Durable, l'association Ciné-cinéma, dont il a été rappelé lors de la présentation du film qu'elle comptait pas moins de 603 adhérents, projetait, en partenariat avec le collectif Colibris Dordogne et le service environnement de la mairie de Périgueux, le film "En quête de sens".

Un véritable succès d'affluence avec 235 entrées, d'après les chiffres de Cyril Gaudin, gérant de Cap cinéma. Il a même fallu ouvrir une autre salle pour permettre à tous les spectateurs de visionner le film! Visiblement, les Périgourdins partagent avec d'autres cet engouement : 70 000 spectateurs l'ont vu depuis sa sortie le 28 janvier 2015. Le film a été projeté à Saint-Astier avec le même succès. Un véritable phénomène!
Il a été réalisé par deux jeunes gens, Nathanaël Coste et Marc de la Ménardière. Le premier, déjà sensibilisé au cinéma et aux questions de la mondialisation, des modes de vie alternatifs et d'agroécologie, retrouve, à New York, le second, un ami d'enfance qu'il n'a pas vu depuis 10 ans. A la faveur d'une jambe cassée qui l'immobilise pendant un temps, Marc de la Ménardière visionne des documentaires sur "la marchandisation du monde" laissés par son ami. Cela le conduit à un début de prise de conscience, lui qui mène la vie de business developer chez Danone (il essaie de convaincre les Américains de boire de l'eau en bouteille) et profite au maximum de l'American way of life et de toute la consommation qui y est liée. Il laisse alors cette vie de côté pour rejoindre son ami en Inde qui vient d'achever un film environnemental dans ce pays. Comme le montre le film, construit selon le récit chronologique de leur recherche, le projet n'est pas bien défini au départ. Il s'élabore au fur et à mesure des rencontres, leur donnant l'idée de rendre compte, sous forme de road-movie, de leur "quête de sens". Voulant se démarquer des films dits anxiogènes sur l'état catastrophique du monde comme ceux que Marc visionne cloué chez lui, les deux auteurs partent, caméra à l'épaule, à la rencontre d'individus à travers le monde : ceux qui s'opposent, en tant que scientifiques, militants, dans le cadre d'une recherche spirituelle, à l'évolution de la société occidentale marquée par le recherche du profit à tout prix et à court terme à destination d'une minorité et au détriment du plus grand nombre.
Grâce à un montage efficace mais qui laisse le temps à chacun de s'exprimer, on voyage de l'Asie en Europe jusqu'en Amérique pour découvrir des personnalités emblématiques comme Vandana Shiva. Prix Nobel alternatif en 1993, cette physicienne milite pour la défense d'une agriculture paysanne respectueuse de la biodiversité. Elle soutient la conservation des semences face aux lobbies désireux de  les breveter. Elle travaille notamment avec Satish Kumar avec qui elle a fondé une association oeuvrant dans ce domaine. C'est un ancien moine, disciple de Gandhi, qui a fondé les programmes de la Schumacher College, centre international pour les études écologiques. Il a réalisé une marche pour la paix et pour le désarmement nucléaire de plus de 12 000 kms. Prônant l'interaction des êtres avec leur milieu, il développe une vision holistique. Pierre Rabhi, interviewé sur ses terres en Ardèche, s'interroge, entre autres, sur la modernité et évoque les hommes enfermés dans des boîtes de leur naissance à leur mort. Précurseur de l'agro-écologie, il souligne l'importance du rapport à la nature et à la terre. L'astrophysicien américain Trinh Xuan Thuan explique en français que la science démontre ce que le bouddhisme dit déjà depuis 2500 ans : tout est interconnecté. Frédéric Lenoir, sociologue, historien des religions, "investi dans la cause écologique" mais aussi Hervé Kempf, journaliste, qui pose la question de l'évolution des démocraties prises d'assaut par les oligarchies, sont aussi sollicités pour exprimer leur vision du monde. L'intérêt de ce documentaire qui s'interroge sur le changement possible de notre monde et sur les chemins de cette transformation réside aussi dans les interviews de personnalités moins connues pour nous Français. On pense à José Luis Tenoch Perez, guérisseur de tradition aztèque, au professeur de biologie moléculaire Bruce Lipton, au docteur en psychologie clinique Cassandra Vieten qui a travaillé sur la pleine conscience et l'influence des émotions sur le corps, à l'économiste Tim Jackson qui défend l'idée d'une "prospérité sans croissance", à ce jardinier urbain de Los Angeles, Jules Dewaeres qui cultive depuis plus de 20 ans 400 m² de terrain dans leur jardin en ville et enfin à Marianne Sébastien qui soutient grâce à son association "Voix libres" le projets d'enfants des mines, des rues et des ordures de Bolivie.
Bref, des personnalités oeuvrant dans des domaines très divers mais qui ont tous le souci de construire un monde alternatif à celui que le capitalisme souhaite nous imposer, même si ce terme est peu employé dans le film. Car plutôt que de dénoncer le modèle économique dominant et ses ravages de façon frontale, il s'agit de mettre en avant des initiatives et des pensées différentes avec la conclusion qu'il s'agit avant tout de se transformer soi-même pour que la société change. Satish Kumar propose ainsi d'inventer son propre travail, lui qui défend l'idée d'une journée de travail de 4h. On objectera que ce film a peut-être une tendance à promouvoir les initiatives personnelles sans évoquer beaucoup de projets collectifs à l'échelle d'un pays ou d'une région. Il reste que le film s'est fait grâce au regroupement de 963 souscripteurs qui ont financé ce documentaire. C'est déjà du collectif. Peut-être aussi le changement passe-t-il par des actions locales qui, fédérées, seront un poids face à la puissance publique? C'est, en tout cas, le projet de Colibris. Une grande valeur du film est de ne pas asséner de vérité mais d'être une véritable ouverture à la réflexion, comme semble le traduire les discussions animées qui succèdent chaque projection. Les membres de Colibris qui promeuvent ce film, proposent partout en France, comme l'a fait, à Cap Cinéma à Périgueux, Catherine Mugnier, à la tête du groupe de Bourrou, d'inciter chaque spectateur à se tourner vers son voisin pour échanger après le film. Une façon originale de couper court aux premières questions des ciné-débats, souvent difficiles à émerger, mais aussi d'encourager à sortir de la passivité et de provoquer le changement.
C'est d'ailleurs ce qu'a lancé un spectateur : "qu'est-ce que vous allez faire après le film?" se voyant répondre du tac au tac par une spectatrice "prendre quelqu'un dans ses bras", ce qu'elle a mis en application tout de go, incitant la représentante du collectif Colibris à faire de même.
Les échanges sont probablement nourris par l'espoir que suscite ce film, par tous les possibles qu'il met en avant qui font la force de ce film et sûrement son succès. La jeunesse et l'énergie de ces deux auteurs qui nous racontent à travers la voix de Marc de la Ménardière leur aventure sincère, leurs joies et leurs questionnements sont communicatifs. L'ancien businessman dit d'ailleurs pour tenter d'expliquer ce succès : "c'est une histoire personnelle autour d'un questionnement universel" http://reporterre.net/Nous-avons-decouvert-la-dimension En effet, cela crée un sentiment d'identification chez le spectateur qui, de ce fait, se sent revigoré par cette quête initiatique. D'ailleurs, Catherine Mugnier l'a présenté comme un film qui "incite à ne pas démissionner" d'autant que, comme l'explique Marc de la Ménardière, les personnes interviewées sont "des gens cohérents entre ce qu'ils disent, ce qu'ils pensent et ce qu'ils font" http://enquetedesens-lefilm.com/. En adhérant à ces discours, le public s'éloignerait des hommes politiques pour se rapprocher du Politique.

Reste à savoir ce que l'on fait après, effectivement. Le groupe Colibris de Bourrou était là pour faire ses propositions. Catherine Mugnier en était ce soir-là le porte-parole.

Le mouvement Colibris est né en 2007 à l'initiative de Pierre Rabhi, l'un des pionniers de l'agriculture biologique en France. Il a raconté cette légende. Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! ». Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »
Catherine Mugnier a  rappelé les trois missions de cette association qui "se mobilise pour la construction d'une société écologique et humaine". Il s'agit d'inspirer, relier (les citoyens localement), soutenir (les éco-citoyens). Après le film, elle a expliqué que "5 volets [étaient] mis action : l'agriculture, l'éducation, la transition énergétique, la citoyenneté" et l'économie locale. Le 6è volet est la (R)évolution intérieure  : "celle qui nous amène à nous transformer nous-même pour transformer le monde". http://www.colibris-lemouvement.org/ C'est l'aspect sur lequel insiste le film et qui a incité l'association à le soutenir partout en France. Rejoignant les objectifs du mouvement, Marc de la Ménardière en est devenu un membre d'actif.
Catherine Mugnier, animatrice de la soirée et membre du mouvement Colibris

En Dordogne, le groupe local est né en novembre 2014 après la journée de transition organisée en février de la même année à Bourrou, village particulièrement investi dans les actions alternatives. Alors que l'on attendait 60 personnes, 130 ont fait le déplacement. Plus tourné vers Bergerac où existe le groupe Bergerac en transition http://bergerac-transition.forumactif.org/ et Lalinde en transition https://transitionlalinde.wordpress.com/ , il souhaite développer ses efforts en direction de Périgueux afin qu'un groupe se forme. Pour cela, il suffit qu'"un ensemble de personnes se sentent Colibris" a-t-elle expliqué. Il existe déjà un embryon de groupe du côté de Hautefort et Tourtoirac et un groupe qui travaille sur l'énergie à Plazac. Cette évocation de la vie militante était l'occasion d'annoncer l'Alternatiba de Bergerac, prévu les 26 et 27 septembre.https://alternatiba.eu/blog/2015/06/le-tour-alternatiba-sest-lance-sous-le-soleil-et-les-applaudissements/ Pour Catherine Mugnier, "l'essentiel est d'encourager les alternatives là où l'on est". Ainsi, suite à une question concernant les écoles alternatives en Dordogne qui lui a été posée récemment, elle a estimé qu'"il serait  bien que ce soit dans toutes les écoles que cela se passe comme ça". Reprenant les propos de Pierre Rabhi, face à un spectateur qui se demandait comment agir, elle a parlé du premier acte, celui de cultiver son jardin. Un autre membre du public a raconté sa rencontre avec Pierre Rabhi et l'a décrit comme un sage et non comme un gourou. Il a été aussi question de sa femme, Michèle,  présentée comme le pilier de cet homme. Une autre personne a suggéré de cultiver son jardin intérieur.
Pour conclure l'échange, l'animatrice a invité les spectateurs à lancer des mots évocateurs de la soirée. On a alors entendu des termes comme confiance, amour, graine, planter, écoute, partage, rire, espoir, alternative...

Pour contacter le groupe Colibris de Bourrou :  dordognecolibris@sfr.fr

Texte et photos : Laura Sansot

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