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04/10/2015

DEBAT AUTOUR DE L'AGRICULTURE ET L'ALIMENTATION A ALTERNATIBA BERGERAC



Le dimanche 27 septembre, Alternatiba Bergerac proposait plusieurs tables-rondes dont la première avait pour thème « Agriculture et alimentation » et pour titre « Produire local, manger local, c’est bon pour le climat ! ».

Jean-Noël Bourhis a présenté la table ronde en rappelant que le mouvement Alternatiba était issu de la société civile et qu’il avait pour but de mettre en  avant toutes les alternatives au système avec pour passage obligé l’agriculture liée à l’alimentation, au commerce et à l’aménagement du territoire. 
Brigitte Allain, députée Europe Ecologie Les Verts, a été invitée par Emilie Pape, modératrice de la table-ronde, travaillant à la "Maison des Paysans", à présenter son travail : elle a conduit une mission parlementaire pour porter un projet alimentaire territorial. Il faut dire que « la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 avait déjà fait de l’ancrage territorial de la production l’un des objectifs de la politique agricole et alimentaire ». http://brigitteallain.eelv.fr/circuits-courts-et-relocalisation-de-lalimentation-brigitte-allain-remet-son-rapport-et-formule-des-propositions/   
Désormais, la loi relie à nouveau agriculture et alimentation, comme il y a 50 ans. Il ne s’agit plus de penser l’agriculture comme un simple outil d’import-export. En outre, selon la députée, le levier pour favoriser le territoire est la restauration collective. Cependant, il existe des freins comme le fait de penser que produire local pour manger local n’est pas intéressant économiquement, c’est-à-dire promouvoir une agriculture vivrière. Pourtant, le potentiel est important. Chaque jour, en France, un million de repas en restauration collective sont distribués.  Ce rapport de la députée a été remis à l’Assemblée Nationale en juillet dernier. La restitution a été faite il y a quelques jours devant les élus locaux et des partenaires comme l’abattoir d’Eymet, objet du premier déplacement de Brigitte Allain. Ayant conscience de la maltraitance et de l’impact sur l’environnement que produisent les milliers de kilomètres parcourus sur les animaux, sans parler de l’effet gustatif, celle-ci milite pour relocaliser l’alimentation. Pour cela, dans son rapport, elle a défendu l’idée de créer un conseil local de l’alimentation qui définirait ce que l’on pourrait produire en fonction des données géographiques et comment le produire. Cela permettrait un changement des pratiques agricoles. Le rapport vise à relier écologie, économie et social.
La parole a ensuite été donnée à Jérôme Bétaille, président du Pays du Grand Bergeracois, association qui regroupe  la quasi-totalité des communautés de communes du Sud Bergeracois. Il a rappelé que les acteurs étaient déjà prêts à s’engager dans des circuits courts, que la vente directe était déjà bien implantée sur le territoire liée à une possibilité de productions diversifiées. « Nous avons des bases fortes », a-t-il résumé. 
En outre, derrière la stratégie alimentaire, il y a divers enjeux : emploi, tourisme, santé des populations, cohésion sociale, environnement, droit à l’alimentation de qualité, maintien des terres agricoles. Pour l’intervenant, le pays est « la bonne échelle » qui peut réunir acteurs privés et publics et permettre de travailler les uns avec les autres. « L’ambition est simple (...) : mettre autour de la table ensemble les acteurs de la filière (consommateurs, structures éducatives, professionnels de santé, producteurs, restaurateurs), les fédérer et créer une chaîne cohérente ». Les objectifs du conseil alimentaire de territoire, ce sont, entre autres, d’appuyer les structures de transformation locale, faire évoluer les structures et lieux de commercialisation, accompagner les acheteurs publics dans l’élaboration d’un cahier des charges, dupliquer les bonnes pratiques, mobiliser les ressources financières, accompagner ensemble les projets. « A nous d’utiliser l’outil, faisons que le Sud bergeracois soit innovant », a-t-il lancé.
Des acteurs favorables à ces changements étaient présents et se sont présentés. Stéphanie Bomme-Roussarie intervient à « Agrobio Périgord », structure qui existe depuis 25 ans, dotée d’une dizaine de salariés et de 350 à  400 adhérents. http://www.agrobioperigord.fr/ 
Celle-ci travaille à promouvoir l’agriculture biologique, seul label qui offre des garanties par rapport à la santé, ce que n’apporte pas nécessairement le local, favorise une économie vertueuse (30% de main d’œuvre en plus), une préservation de la qualité de l’environnement dont l’eau, un bilan carbone moindre que celui engendré par une agriculture uniquement relocalisée. L’activité principale d’"Agrobio Périgord" est d’accompagner la formation des agriculteurs dans le domaine de l’agriculture biologique, leur permettre de se convertir, par exemple, accompagner les collectivités à créer des cantines bio qui suppose une toute autre manière de travailler. La formation des cuisiniers fait aussi partie du travail de la plate-forme « Isle mange bio », l’intervenante citant Jean-Marc Moulliac travaillant avec 90% de produits biologiques à Marsaneix avec un tarif à 2,17 euros le repas. C’est le 1er restaurant scolaire certifié bio en France. Il existe d’ailleurs une campagne nationale : « Manger bio et local, c’est l’idéal ».
Stéphanie Bomme-Roussarie et Anne Le Maout
Anne Le Maout s’est présentée comme maraîchère en agriculture biologique depuis 10 ans, travaillant depuis le début à la commercialisation de ses produits en circuit court. L’association « Isle mange bio » est née de la demande de communes autour de Montpon depuis 2012 de créer des cantines bio. L’objectif était de mettre en lien producteurs, élus, cuisiniers. L’association se présente comme une « plate-forme de distribution de produits biolocaux en Dordogne et Gironde à destination de la restauration hors domicile » http://www.islemangebio.fr/.  
Toutefois, elle ne dispose que de deux salariées, l’une chargée de la logistique et du commerce, l’autre des livraisons. Or, elle ne bénéficie pas du soutien des instances comme le Conseil Départemental alors qu’elle aurait besoin de l’investissement fort des élus, a déclaré Anne Le Maout, notamment pour faire en sorte que des terres agricoles se libèrent. Elle représentait aussi l’association « Paniers bio des deux rives » qui existe depuis 2007, à l’initiative de producteurs. « Cela tourne bien. Il y a un bon engagement au fil des années », a-t-elle estimé. 
Anne Le Maout
Quant à Jacques Chèvre, il est investi dans « Terre de liens Aquitaine » http://www.terredeliens.org/aquitaine qui accompagne les installations de paysans et encourage la préservation des terres nourricières pour la consommation locale dans un contexte d’une double agriculture « l’une laiss[ant] peu de place à l’autre ». « La Maison des paysans » assure l’accompagnement jusqu’à l’installation. "Pays en graines" est une « couveuse » qui permet aux futurs exploitants de « se tester en situation réelle au métier » de paysan.
Ces associations se développent rapidement et Jacques Chèvre a émis le souhait qu’elles soient représentées dans le conseil alimentaire territorial si celui-ci voit le jour car les consommateurs ont vraiment la volonté de retrouver une valeur alimentaire de qualité et locale.

Après cette présentation, la parole a été donnée à la salle pour un dialogue avec les intervenants.
Un femme, membre de la Confédération paysanne, s’est réjouie du travail de relocalisation fait en Bergeracois et le soutien d’élus. C’est parce que le projet est venu de la base (paysans, cuisiniers, élus) dans le cadre de « Isle mange bio » que cela a fonctionné, l’inverse ne le permettant pas, a-t-elle estimé. S’il existe 4 abattoirs dans le département, il en existe où il n’y en a plus un seul. Il faut se battre pour les garder et défendre la proximité. Sur la question d’une fermeture d’abattoir, le ministère a répondu qu’aucune preuve n’avait été faite que le transport faisait du mal aux animaux.
Maryse Maunoury d’Attac a considéré comme l’expression de la base citoyenne cette volonté de défendre le maintien d’une vie sur les territoires. Elle s’est inquiétée du projet de réforme territoriale qui va entraîner la réorganisation des territoires sans que cela ne soit discuté à la base et éloigner les décisions de proximité. Elle s’est présentée aussi comme membre du collectif Stop-Tafta et a jugé que cette politique de relocalisation de l’alimentation pouvait être gravement menacée par les accords trans-nationaux qui vont, par exemple, imposé des tribunaux arbitraires. Il faut se mobiliser pour que ces accords n’aient pas lieu.
Jérôme Bétaille, maire d’Eymet, a rappelé que des gens s’étaient battus depuis des années pour le maintien de l’abattoir qui lui-même avait connu un réel développement (de 1 à 5 salariés, de 50 à 800 tonnes abattues). En Lot-et-Garonne, l’unique abattoir risque de fermer fin 2015. A Eymet, l’abattoir relève de la mairie et est gérée par une délégation de service public issue d’une volonté politique. Le maire a défendu le travail de mutualisation à mettre en œuvre, la nécessité de mettre les compétences en commun et d’instaurer un climat de confiance. Un travail de fond est à faire auprès des élus européens, sinon on peut craindre une dépossession des décisions politiques.
Toutefois, Brigitte Allain a tempéré considérant qu’il ne fallait pas tout attendre des élus : « c’est bien parce que les gens se mobilisent sur le terrain que les choses bougent. Nécessité fait loi », raison pour laquelle Maryse Maunoury a insisté pour dire que 3 millions de personnes avaient signé la pétition contre le Tafta et a déclaré : « vous pouvez vous appuyer dessus ». Pour la députée, « se battre pour la mise en place d’un conseil alimentaire territorial, c’est une manière de se battre contre le Tafta ». Elle a souligné que son rapport serait l’objet d’une remise officielle, occasion d’interpeller le ministre sur des « sujets contradictoires » comme la question des abattoirs. Les organisations de terrain ont d’ailleurs été sollicitées en vue de la remise de ce rapport pour faire leurs propositions et « construire d’une manière législative ce qui nous tient à cœur », a annoncé Jacques Chèvre. 
Suite à une question du public concernant les solutions pour garantir un volume aux agriculteurs, garantir des consommations et intervenir auprès de consommateurs pour des informations claires, Anne Le Maout a proposé pour chaque consommateur de rechercher les associations de paniers ou Amap, de discuter avec les producteurs sur les marchés, ce qui crée un  lien social important. Stéphanie Bomeme-Roussarie a rappelé qu’ « Agrobio Périgord » avait réalisé une carte sur les nombreuses initiatives du département puisque les circuits courts sont très répandus en Dordogne concernant 2/3 des exploitations. Il existe aussi des boutiques de producteurs. Jacques Chèvre a observé que l’achat d’une terre par « Terre de liens » supposait la participation d’un groupe local au projet, le lieu devenant un espace de rencontres sur le territoire. Une personne du public a reconnu sa difficulté, du fait de sa mobilité, à accéder rapidement à de l’information concernant toutes ces initiatives et à pouvoir tester les différentes associations. En effet, les intervenants ont reconnu qu’il n’existait pas d’outil centralisé mais Stéphanie Bomme-Roussarie  a signalé le site Internet de l’agence nationale des producteurs de produits biologiques http://annuaire.agencebio.org/ à laquelle les agriculteurs ont l’obligation de s’affilier. 
Jacques Chèvre a estimé qu’il faudrait recenser tous les sites de ceux qui font de la vente directe. Brigitte Allain a, quant à elle, exprimé le manque de moyens techniques, humains, financiers pour réaliser cette mutualisation de l’information, tout en estimant que les consommateurs pouvaient jouer un rôle pour y remédier alliant de façon militante consommation et production. Elle a d’ailleurs proposé dans son rapport un observatoire des systèmes locaux existants. Un autre membre du public a constaté que ces questions se posaient aussi dans d’autres régions françaises et qu’il fallait répondre aux besoins des consommateurs en termes d’approvisionnement adapté aux modes de vie comme instaurer des grands magasins valorisant ces produits en banlieue. Il a aussi été question de proposer des marchés en fin de journée auxquels semblent d’opposer les élus. Le débat s’est ensuite orienté vers la question des cotisations MSA qui peuvent paraître lourdes pour ceux qui s’installent. Elles pourraient faire d’objet de propositions alternatives. Même si des modulations existent, Brigitte Allain a fait une mise en garde contre ceux qui ne voudraient pas cotiser : « on a tous besoin de la sécurité sociale (...). Il faut construire un système où tout le monde paie selon ses moyens ». Jacques Chèvre a plaidé en faveur d’un système de retraite par répartition, visiblement plus intéressant économiquement : « un sou cotisé par tous a le même rendement que 100 sous cotisés individuellement pour des régimes privés », a-t-il déclaré. Un agriculteur en cours d’installation, Yannick, producteur de volailles et maraîcher en vente directe, soutenu par la « Maison des paysan », a considéré qu’il faudrait supprimer le statut de cotisant solidaire. Il a suggéré, par ailleurs, de construire en sortie de ville des halles de 1000 m² dotées de chariots pour faciliter les ventes directes, sans passer par les associations, les paysans comme lui ayant peu de temps à consacrer à la création de sites Internet pour promouvoir leurs productions. 
A succédé le témoignage d’une personne ayant un projet collectif d’installation mais rencontrant des difficultés pour la reprise de l’exploitation d’un paysan partant en retraite et finalement orienté vers un groupement foncier agricole (GFA). Il a insisté sur la nécessité de mettre en relation consommateurs et producteurs. 
Jacques Chèvre s’est réjoui de savoir qu’une personne supplémentaire s’installait mais a regretté qu’il n’y ait pas davantage de mises en relation, sauf lors d'une journée comme celle-là à Bergerac. Il fallait soutenir la transmission des exploitations agricoles. Un membre du public s’est demandé quelles garanties l’on pouvait avoir sur le fait que les approvisionnements locaux et /ou biologiques soient privilégiés et non pas l’agro-industrie comme en Ile de France. Pour la députée, ce qui pourra le garantir, ce seront les projets alimentaires locaux qui reposeront sur les conseils alimentaires locaux où tous les types d’acteurs seront présents qui eux-mêmes définiront un cahier des charges. On peut espérer que la demande locale s’orientera vers l’agriculture biologique ou du moins vers des méthodes qui respecteront l’environnement.
La table ronde s’est achevée sur ces espoirs.

Texte et photos : Laura Sansot

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