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28/03/2016

"LA FEMME DANS TOUS SES ETATS" AU CAP CINEMA DE PERIGUEUX

Le 19 mars, au multiplexe Cap Cinéma de Périgueux, avait lieu une journée « La femme dans tous ses états » organisée par l’association C’est moi qui l’ai fait et l’Association des Paralysés de France (APF).  

Elle faisait suite à une exposition de photos « Quand la femme s’expose, prenons le temps de se regarder autrement ! » réalisée pour le 8 mars 2014 par un groupe de femmes en situation de handicap dans le cadre des ateliers santé sur l’estime de soi initiés il y a 3 ans. Cette expérience positive les avait encouragées à aller plus loin en participant à un défilé avec des tenues « loufoques et déjantées » de la styliste Rosa Merenda le 14 mars 2015. Celui-ci  intitulé « Réconciliation » mêlant personnes en situation de handicap et valides avait été préparé lors d’ateliers-couture animés par Rosa Merenda incitant les membres de l’APF, les futures mannequins à créer elles-mêmes leurs propres vêtements. Des moments forts qui avaient débouché sur un défilé riche en émotions rassemblant  pas moins de 400 personnes à la Filature de l’Isle précédé d’un village bien-être pour tester des produits de beauté et s’informer sur des sujets malheureusement inhabituels pour les invalides comme la vie affective mais que l’APF se faisait fort de mettre en avant. Une soirée dansante clôturait cet évènement marquant que les protagonistes ont souhaité renouveler.
http://dd24.blogs.apf.asso.fr/archive/2015/03/17/l-apf-et-rosa-merenda-font-leur-defile-79335.html 
Rosa Merenda
Ainsi, le groupe Femmes de l’APF a organisé cette journée dans le cadre du mois du droit des Femmes de Périgueux. Avant de présenter le défilé, la présidente de l’association C’est moi qui l’ai fait, Patricia Labatue, laissait place au film réalisé par Clip Clap Youpiprod, pour un retour sur les moments émouvants du 14 mars 2015 mais aussi sur les ateliers de préparation, occasion de découvrir combien la rencontre entre la styliste  et l’APF avait été un vrai coup de cœur. La joie de vivre avait été au rendez-vous et avait permis de « réveiller l’enfant que l’on a au fonds de soi ». La présentatrice du défilé estimait que celui-ci ferait honneur au premier.
Tandis que les valides défilaient sur scène et dans la salle parmi le public, 
les personnes en situation de handicap se régalaient à se mettre en valeur sur scène comme de vraies stars. 
Le défilé achevé sur un joyeux anniversaire, chanté par quelques 30 à 35 mannequins et les spectateurs, à l’intention d’une Rosa Merenda très flattée de cette réussite et de cette communion, dont c’était l’anniversaire le jour-même, 
se poursuivait par trois tables-rondes animée par Christine Ribeyreix, représentante du magazine Famosa https://www.facebook.com/Famosa-P%C3%A9rigord-401342289954205/ et animatrice d'ateliers d'écriture à l'APF. Pour aborder les différents thèmes, des femmes en situation de handicap dont la majorité avait participé au défilé et des valides concernés par le sujet pouvaient s’exprimer.
La première table-ronde concernait l’estime de soi. En effet, face à la « double peine » dont étaient victimes les femmes en situation de handicap, ce thème prenait toute son importance. Nicole, qui avait pu bénéficier d’une jambe artificielle, pouvait quant à elle parler de triple peine puisqu’en tant que cadre et au cours de son parcours professionnel, elle avait voulu casser le plafond de verre, se heurtant pourtant à un refus de la Croix Rouge de l’embaucher. Pour Céline dont la maladie de Hutington engendrait des gestes désordonnés qu’elle ne pouvait contrôler, le regard des autres avait toujours été pesant dès son enfance. Sa mère atteinte de la même maladie était l’objet de moqueries. Son frère touché lui aussi n’avait pas fait le chemin qu’elle avait réalisé elle-même aux côtés de l’APF jusqu’à lui permettre de pouvoir être sous le feu des projecteurs tandis qu'il était encore au stade la colère.
Quant à Rosa Merenda, ces deux défilés avaient été des défis : pourvoir habiller toute personne quelque soit sa situation et exhauster sa beauté. Elle ne voyait pas le handicap mais la personne, suite à cette interrogation d’une non-valide : accepterais-tu de faire défiler des gens comme moi ? Elle rendait hommage à des "personnes qui avaient un cœur gros comme ça", "un enthousiasme de folie", "une détermination" dont elle n’était pas certaine qu’il y en eût autant chez les valides de la salle mais aussi "une gentillesse et des sourires" malgré la situation difficile que venait atténuer un esprit de solidarité. Son prochain défi : les faire défilé en robe de mariée à condition de « ne pas prendre la grosse tête », concluait-elle toujours malicieuse! Leïla, mannequin valide de Rosa, regrettait que la mode ne s’adapte pas aux non-valides, situation qui la touchait de près puisque son frère était myopathe. Face à la maladie, il avait plutôt choisi la provocation et de plus en plus l’humour, comme Valérie, victime d’un accident grave qui l’avait plongée dans le coma plusieurs mois à l’âge de 17 ans. Elle s’était faite une raison. Cette nouvelle vie lui avait permis de « faire du tri ». Sa famille et quelques amis chers lui étaient restés fidèles. La directrice de l’APF, Sylvie Vergne, revenait sur les ateliers sur l’estime de soi, sur les longues séances qui avaient permis de travailler sur la colère, le lâcher prise, l’acceptation du handicap grâce à l’intervention de professionnels. Nicole et Céline évoquaient le bénéfice qu’elle avait pu tirer de ces ateliers. L’animatrice concluait que le regard porté sur les personnes invalides était conditionné à celui qu’elles portaient sur elles-mêmes. Cette démarche devait être soutenue par les média et par des expériences riches comme pouvait l’être un défilé de mode.
La deuxième table-ronde abordait un sujet tabou en France, celui de la sexualité chez les personnes en situation de handicap, comme en témoignait la difficulté de mettre en place des ateliers. Depuis septembre 2015, une conseillère conjugale intervenait dans le groupe pour des séances mensuelles qu’elle avait inaugurées par un film choc « Prends-moi » mettant en scène des rapports sexuels entre deux personnes lourdement handicapées.
Annie, 45 ans, témoignait de la difficulté d’aborder ces sujets dans les institutions où elle avait vécu 25 ans. La sexualité, souvent vécue en cachette, était présentée sous un jour négatif. Les ateliers lui permettaient de vivre une adolescence qu’elle n’avait pas vécue. Florence, 24 ans, constatait que les choses n’avaient pas évolué : « C’est la même mentalité ». L’animatrice admettait la nécessité de  poser des règles dans une institution, ce qui ne devait pas pour autant écarter la question des besoins et du désir. Nicole, interrogée dans l’atelier précédent, rapportait les propos réprobateurs de son médecin lorsqu’elle avait décidé de fuir le foyer conjugal avec son bébé de 6 mois après avoir été battue : elle avait la chance que quelqu’un ait accepté de l’épouser. Six ans plus tard, elle choisissait ce même médecin, qu’elle avait abandonné depuis lors, pour une visite pré-nuptiale ! La violence conjugale concerne 4 femmes en situation de handicap sur 5 en France http://fdfa.fr/. S’il était difficile de faire changer les institutions, Pascale, la conseillère conjugale intervenant à l’APF estimait que les ateliers permettaient aux personnes de s’autoriser à avoir une sexualité. Cela était déjà un grand pas après celui d’accepter de participer à ces groupes de réflexion. Ils avaient été précédés d’autres ateliers comme la constitution d’un groupe femmes, d’un autre autour de l’écriture. Ils étaient des étapes nécessaires, les personnes venant volontairement, vers cette prise en compte de la sexualité, démarche novatrice qui serait mise en avant au Forum des pratiques innovantes à Paris fin avril 2016 http://www.credavis.fr/forum/. Le travail avec les personnes en situation de handicap allait dans le sens de "ne pas faire à la place de" mais de "faire de la place à ".
La troisième table ronde mettait l’accent sur l’accessibilité médicale, contrainte qui avait des conséquences majeures si elle n’était pas atteinte : la mortalité des femmes en situation de handicap atteintes du cancer du sein était plus importante que pour les autres femmes, du fait d’un inégal accès aux mammographies http://www.faire-face.fr/2015/07/13/handicap-depistage-cancers/. Maria, responsable des actions collectives à l’APF, constatait que les femmes non concernées par le handicap avaient déjà bien du mal à prendre soin d’elle, tant elles étaient sollicitée dans leur vie familiale, professionnelle, la situation était d’autant plus complexe pour les non-valides. Jacqueline, atteinte de la polio durant l’enfance, a, malgré tout, eu une vie familiale et professionnelle. Si le handicap la rattrape aujourd’hui, nécessitant l’intervention d’une aide humaine, elle a dû composer avec des médecins généralistes compréhensifs pour certains, prêts à se déplacer très facilement, d’autres moins. Lors de sa dernière visite chez le gynécologue, la table d’examen s’était révélée inaccessible, l’obligeant la fois suivante à se faire accompagner, tandis que Nadine, atteinte d’un syndrome de McCune Albright avait dû subir, dans cette même situation, l’aide d’un agent hospitalier de sexe masculin, qui l’avait rendue très mal à l’aise. Son médecin généraliste, installé dans des locaux neufs, était, quant à lui, équipé d’une table d’examen électrique bienvenue. Nicole, à nouveau sollicitée pour cette table ronde dont les 66 ans d’expérience du handicap lui permettaient malheureusement d’aborder tous les sujets, situation dont elle savait pour autant plaisanter, racontait une expérience malheureuse vécue récemment à l’hôpital. A la veille d’une 18è intervention chirurgicale dont les précédentes n’avaient pas posé de problème, elle n’avait pas eu accès à la douche, sa salle de bains étant trop petite. L’octroi d’une bassine avait été la seule réponse à ses récriminations. Le Dr Desmaison, de l’Ordre des médecins de la Dordogne http://www.conseil24.ordre.medecin.fr/node/2553, interrogé à ce sujet, estimait qu’il s’agissait peut-être d’une prise en charge défaillante qui aurait pu concerner aussi bien une personne valide. Il fallait la distinguer du handicap tandis que la commission des usagers pouvait être saisie. Toutefois, il déplorait que le vote de la loi sur l'accessibilité des lieux publics dont les cabinets médicaux faisaient partie ait été reporté. L'échéance était pourtant fixée au 1er janvier 2015, d'après la loi sur le handicap de 2005. Si les établissements publics nouvellement construits devaient respecter un cahier des charge, certains le seraient difficilement situés en centre ville ou classés. Reconnaissant un problème de société, il affirmait pourtant tout faire de son côté pour sensibiliser ses confrères à cette question et constatait des améliorations, même si, en effet, une table d'examen n'était pas obligatoire. Une question était posée concernant la possibilité de refuser la prise en charge d'un patient handicapé. C'était le cas, selon l'article R4127-47 du code de déontologie, qui stipulait uniquement le cas d'urgence. https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/codedeont.pdf Il admettait que l'accès aux soins était un réel problème en Dordogne où l'on connaissait une baisse de 6% des médecins tandis que la Gironde connaissait une hausse de 12%. Le handicap était peu abordé dans les études médicales. Les échanges revenaient sur la question de l'accessibilité qui devait être envisagée comme universelle et comme un moyen de mieux vivre ensemble. Elle pouvait bénéficier à un public plus large comme les personnes âgées, les personnes empêchées temporairement...Elle était "l'affaire de tous". Un "Au travail" incitatif était lancé en préambule au débat avec la salle.
Une personne soulevait la question des assistants sexuels peu présents en France. Et pour cause, comme l'expliquait la conseillère conjugale, la loi autorisait cette activité à condition qu'elle ne soit pas tarifée. L'Association pour la Promotion de l'Accompagnement Sexuel (APPAS) basée en Alsace, créée et présidée par Marcel Nuss d'Erstein (67) http://www.appas-asso.fr/ entamait sa 3è formation à l'accompagnement sexuel. Une initiative rare  alors que les besoins était importants, une spectatrice citant pour exemple une situation dramatique. On parlait peu de sexe en France sinon de façon provocante. Une autre personne revenait sur la question de la sexualité dans les institutions qui ne concernait pas uniquement les handicapés. La conseillère conjugale estimait que si le droit existait, son application dépendait beaucoup de la bonne volonté des établissements. Il fallait aussi arrêter de parler de vie affective et parler franchement de sexualité. Elle trouvait surprenant de considérer en France comme innovant le fait d'en parler. Un spectateur invitait les deux associations représentées lors de cette journée à se rapprocher des populations qui avaient les mêmes problématiques d'exclusion. La directrice de l'APF disait y songer, annonçant que le prochain défilé associerait probablement d'autres associations. La question d'un jeune garçon "Comment doit-on regarder une personne en situation de handicap?" clôturait à point nommé les tables-rondes. Quelques intervenants suggéraient de la considérer comme une personne comme une autre, de la regarder frontalement, dans les yeux et avec sincérité. Quand elle refusait une aide, il ne fallait pas lui en vouloir mais la renouveler une fois suivante car elle pourrait être à ce moment-là bienvenue.
Après ces tables-rondes-débat riches en témoignages émouvants qui avait rassemblé pas moins de 150 personnes alors que le beau temps était au rendez-vous à l'extérieur, la journée laissait place à un apéro-concert avec le groupe Maëa et Zef
 
avant la projection d'un film "Free Love" de Peter Sollett.
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19555442&cfilm=125938.html
http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/free-love.html


Rosa Merenda, depuis notre dernier article, http://artpericite.blogspot.fr/2015/07/portrait-de-la-creatrice-de-mode-rosa.html a emménagé, le 4 janvier 2016, dans de nouveaux locaux, rue Montaigne à Périgueux, en plein coeur de la vielle ville.
 

Retrouvez son actualité sur  : 
http://www.rosamerenda.net/
https://www.facebook.com/rosamerendaboutique 

Texte et photos : Laura Sansot

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