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31/03/2016

NAJIB, LE DUO EN CONCERT AU PARADIS

Le 18 mars 2016 au Paradis de Périgueux, se produisait Najib, un auteur compositeur interprète venu de Narbonne pour une résidence d'une semaine et deux concerts à la Galerie Verbale.

Son histoire, marquée par l'immigration et le handicap, a fortement influencé son art. Atteint de la polio à 1 an, sa famille émigre d'Algérie en France en 1958 pour lui permettre de se soigner. S'il vit dans les bidonvilles de la région parisienne et fréquente régulièrement les hôpitaux, il réussit à mener une scolarité jusqu'à l'université. C'est au lycée qu'il découvre l'impact de la musique (une véritable "tribune", se souvient-il) qu'il a d'abord pratiquée en autodidacte puis à l'école de musique de Bezons (95), au Conservatoire Régional du Mans. Il écrit des textes depuis l'université. Il s'inscrit ensuite à l'Ecole de la Chanson Georges Brassens de Nanterre et au CIM école jazz de Paris. C'est d'abord le rock qui l'attire. Il est un membre actif de groupes amateurs. Parallèlement, il travaille comme responsable d'équipement jeunesse au Petit Nanterre et commence à créer son répertoire dans les années 1990. En 1991, il devient semi-professionnel. Alors qu'il s'est installé dans le Narbonnais fin 1998, l'année suivante, il est lauréat Musique de la fondation Handi-Thomson. Cette récompense, qui s'adresse aux artistes touchés par le handicap (sa jambe a gardé les séquelles de sa maladie enfantine) et en voie de professionnalisation, lui permet de créer son label Gaïa Pröd, aujourd'hui disparu, et d'auto-produire son premier album "Génération Première" qui obtient le Coup de Coeur Fnac en 2001. En 2003, c'est l'année de l'Algérie, occasion de se produire seul dans toute la France avec son spectacle La Veillée qu'il avait d'ailleurs présenté à Excideuil. En 2012, il sort son deuxième album "Les mots de France".
Si le premier album était plus formaté, le second se révèle plus intime. Le concert était introduit par deux chansons en hommage au pays où il est né. C'est pourtant la France qui l'a adopté, lui a permis de se soigner, a donné du travail à son père. Alors il chante en français : "les mots de France, c'est toute ma vie (...), je me recueille dans tous ces mots, d'avance, je leur dis merci" dans le titre éponyme de l'album. Des chansons étaient émaillées de quelques mots arabes, comme celle où il évoquait sa mère El Teyara
Il était accompagné aussi d'Abdelatef Bouzbiba, rencontré à Narbonne, qui ramenait le chanteur du côté de la tradition, de "la nostalgie de l'immigration" avec l'emploi d'instruments comme le bendir (tambourin tendu d'une peau de chèvre) ou le violon quand il prenait des accents orientaux.

Une chanson judéo-arabe plongeait le public dans l'époque arabo-andalouse tandis qu'un rock qualifié de "rock'll chaoui" clôturait le concert.
Avec sa voix presque éraillée comme pour exprimer cette fragilité qui l'a accompagné toute sa vie mais dont il a fait une force, les préjugés contre le handicap ayant été pour lui plus difficiles à combattre que le racisme, Najib chantait  Né ainsi : "je rêve que je cours là-bas, pour te porter enfin dans mes bras, je rêve de ça pour passer le temps, aller plus vite que lui, toujours devant, je t'attendrai toute la vie...". Pénétré de diverses émotions qu'il parvenait à transmettre, on le découvrait les yeux rieurs avec son franc sourire 
chantant merveilleusement ses odes à l'amour, à sa famille (des hommages à sa mère et à sa fille qu'une chanteuse invitée, Julie, interprétait dans une belle harmonie avec les musiciens), 
et plus généralement une ode à la vie (Aimer, c'est rêver qu'il a composé dans une véritable communion avec de jeunes adolescents de diverses origines dans la période qui a suivi les attentats de janvier 2015). Son visage se faisait plus sombre pour exprimer l'absence d'êtres qu'il avait admirés : Lounes Matoub, assassiné à 42 ans en 1998, chanteur kabyle et militant de la démocratie mais aussi Jamila, une femme qu'il avait bien connue, très soucieuse de son prochain. "Jamila, j'ai inscrit ton nom comme un défi sur toutes les rues d'ici pour qu'elles soient plus fleuries, sans oublier les places, les allées, les impasses, que ça vous plaise ou non, j'ai tagué partout son nom, Jamila, j'ai posé ton nom tout colorié sur les murs de la ville pour que l'ennui soit délébile, délébile la solitude, délébile les habitudes, que ça vous plaise ou non, j'ai tagué partout son nom....". A travers la chanson sur le massacre de Sabra et Chatila (1982) au Liban, il exprimait la difficulté de survivre au massacre. 
Il invitait aussi son public à faire non pas une minute de silence mais à écouter une minute de musique en hommage aux réfugiés d'aujourd'hui mais aussi à ceux de demain dont nous pourrions bien faire partie si quelques centrales nucléaires se révélaient défectueuses. Il se souvenait de sa mère qui était une réfugiée d'hier. 
Si quelques allusions dans ses chansons expriment la révolte, son auteur recherche davantage à susciter l'émotion des spectateurs par la musique, la poésie de mots simples auxquelles on ne peut s'opposer, explique-t-il. Il se dégage de cet homme et de ce musicien une profonde humanité, une générosité et une quiétude qu'il parvient à transmettre par son art imprégné de sa double culture et de sa forte sensibilité.
Il poursuivra sa tournée en France au plus près des publics et des lieux les plus divers car la rencontre avec l'Autre est visiblement la raison d'être de sa musique. 

Les musiciens saluant le public, accompagnés d'Olivier Grosborne qui avait fait les arrangements et la mélodie

A l'écoute, El Teyerahttps://www.youtube.com/watch?v=70sqerfbWzg 

Texte et photos : Laura Sansot

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