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16/06/2016

RENCONTRE AVEC BRIGITTE GABAUD DU CAF' ETCETERA DE LALINDE

Le 4 mai dernier, le café associatif de Lalinde ouvrait ses portes au coeur de la ville. C'est en mars 2015 que Brigitte Gabaud et son mari Dimitri, accompagnés de leurs enfants, ont acheté ces anciens locaux du Centre Inter-Communal d'Action Sociale (CIAS) mis en vente avec son parking attenant transformé en une agréable et reposante terrasse sur les bords de la Dordogne. Ils ont entamé des travaux en faisant appel uniquement à des matériaux écologiques.

La jeune femme est originaire du pays lindois et c'est donc un retour aux sources familiales qui a guidé ses pas vers ce village, attirée aussi par son dynamisme et ses initiatives alternatives telles que celles développées par Lalinde en transition, les Incroyables Comestibles...
https://transitionlalinde.wordpress.com/
Le couple avait le projet depuis quelque temps de créer un café associatif, prolongement de l'association qu'il a fondée en 2012, en Bretagne où il a vécu une petite quinzaine d'années avant un passage d'une année à Cahors et cette installation en Dordogne. Les Semeurs d'Avenir ont "pour objet l'accompagnement des citoyens vers un changement de paradigme afin d'incarner au mieux une société respectueuse de son environnement global constituée d'individus libres, autonomes, responsables, altruistes et épanouis". http://semeursdavenir.fr/qui-sommes-nous/
Brigitte et Dimitri Gabaud
Pour Brigitte Gabaud, cette évolution passe avant tout par les enfants. Ce sont eux qui sont l'avenir et avec lesquels il convient de développer des relations harmonieuses afin d'en faire des adultes respectueux, autonomes et confiants. Aussi, après avoir été esthéticienne, Brigitte Gabaud a cherché des outils pour atteindre cette communication bienveillante. Elle est devenue animatrice certifiée Faber et Mazlish http://www.atelierparenthese.fr/services/ateliers-faber-et-mazlish/, formée à la médiation par les pairs ainsi qu'à la grammaire des émotions d'Isabelle Filliozat pendant un an http://www.filliozat.net/biographie/. C'est au cours d'une formation des Colibris qu'il lui a été demandé ainsi qu'aux autres participants ce qu'ils allaient mettre en place sur leur territoire, une fois revenus chez eux. Pour elle, la priorité était de veiller à l'avenir des générations futures. Pour recentrer son objectif, estimant ne pas pouvoir faire au-delà de sa part, dans un esprit Colibris, elle s'est intéressée aux relations parents-enfants. Elle a donc développé des ateliers à la parentalité en direction des adultes pour travailler lors de 6 à 7 séances de 2h30 chaque semaine sur la communication avec des enfants d'âges différents. Elle a ainsi proposé ses services aux REAAP (Réseau d'Ecoute d'Appui et d'Accompagnement à la Parentalité) mises en place par la circulaire interministérielle du 9 mars 1999. Elle a aussi proposé des ateliers sur la formation par les pairs en Bretagne et depuis son retour en Dordogne, elle a réussi à créer un partenariat dans ce sens avec l'Education Nationale en intervenant dans une école publique alors que seules les écoles privées l'avaient accueillie en pays bigoudin. A l'avenir, elle envisage de proposer cette prestation au sein du café, introduite par une conférence de présentation, probablement à l'automne prochain.
C'est d'ailleurs l'une des multiples activités que ce nouveau lieu peut offrir. Objet d'un foisonnement de propositions, le café avait un nom tout désigné. "Le Caf'etcetera, ce n'est pas qu'un café", explique Brigitte Gabaud, parlant d'"une toile blanche qu'il s'agirait de colorer" pour "ouvrir sur toutes sortes de possibles" et "former une oeuvre collective et collaborative".

De cette manière, il ne fait pas concurrence aux autres cafés du village, même s'il a des heures d'ouverture plus importantes que celles des autres cafés associatifs (mardi après-midi, mercredi après-midi et du jeudi matin au samedi soir). Il ne vend pas non plus d'alcool ni de coca-cola ni d'orangina ou autre fanta, uniquement des boissons et pâtisseries biologiques sans gluten ni lactose (faites maison), à base de produits frais et locaux, à des prix très corrects.  
Dans une démarche d'ouverture à une alimentation différente (Brigitte Gabaud a été formée dans le domaine de l'hygiénisme et des compléments alimentaires), le couple désire faire découvrir des jus frais. Ainsi, nous avons pu tester un délicieux jus dont on aurait dit qu'il contenait du kiwi et s'est finalement révélé composé de pomme, carotte et fenouil sauvage.
Le couple fourmille d'idées mais souhaite laisser les adhérents, au nombre d'une soixantaine depuis l'ouverture du Café, faire des propositions. Brigitte Gabaud insiste sur cette volonté de co-construire. Elle a été surprise, se rappelle-t-elle, lors de la première réunion des semeurs, de s'entendre dire avec son mari : "que souhaitez-vous faire?", les adhérents semblant se poser en exécutants de leurs projets. Au contraire, il n'y a pas de président dans cette association, même si Dimitri Gabaud est le représentant légal. "On tend vers quelque chose d'horizontal, sans idée hiérarchie, une manière de rompre avec nos habitudes", souhaite la jeune femme. D'ailleurs, c'est dans cet objectif de travailler ensemble à la réalisation commune de projets qu'une conférence aura lieu le 2 juillet pour expérimenter des outils d'intelligence collective. Pour faire ensemble, le café a initié aussi des ateliers de jeux coopératifs où il ne s'agit pas de gagner contre mais de coopérer ensemble pour atteindre un but commun. Toutes les initiatives sont bonnes à prendre et Brigitte Gabaud se réjouit que chacun investisse le café à sa manière comme cette dame qui a brodé le nom du café sur un torchon ou d'autres adhérents qui ont amené spontanément un soir des crêpes à partager.
C'est un lieu ouvert à tous, inter-générationel, solidaire, ouvert sur la transmission des savoirs. Les propriétaires du lieu espèrent attirer une diversité de population : des personnes de passage ou des touristes qui pourront consommer en devenant des membres éphémères mais aussi des habitants du village et communes environnantes qui pourront, en devenant membres abeilles soutenir les projets et actions de l'association et "prendre part à la vie de la ruche" voire, en devenant membres semeurs, participer par leur investissement concret (organisation d'animations et/ou permanences au café) au développement de son objectif cité plus haut. Depuis le mois de juin, le couple a d'ailleurs commencé à former des bénévoles pour qu'ils puissent servir au bar. La convivialité du lieu attire, entre autres, des personnes âgées qui viennent ainsi rompre leur solitude et passer un moment à jouer, parler ou tricoter. L'association n'a pas manqué d'observer ces personnes vieillissantes "victimes du rythme de vie soutenu des actifs" tandis que "les jeunes" sont "plus vulnérables aux "modes de communication virtuelle" qui tendent à "individualiser" et à "isoler". L'installation du wifi permet à ceux qui n'ont pas internet à la maison de bénéficier d'une connexion gratuite dans un environnement de rencontres et d'échanges. C'est l'un des objectifs du café de créer du lien social dans un espace très serein et arrangé avec beaucoup de goût.
Le café a été ouvert aussi pour accueillir, mettre en réseau des associations et collectifs travaillant le même esprit de transition et relayer leurs actions, d'autant que la demande était bien présente. Avant même l'ouverture officielle du café, le groupe Jardin d'Echanges Universels (JEU) s'y réunissait en avril. Cet espace  vise à devenir ainsi un "tiers-lieux" pour aller vers des propositions plus globales. 
Le café est conçu par ses initiateurs comme un laboratoire d'expériences locales sans idées préconçues. Partant du constat que les individus ne prennent pas le temps de s'arrêter, le café doit multiplier les animations pour susciter la réflexion, notamment sur les modes de relations entre les individus mais aussi sur les évolutions du monde et leurs conséquences sur l'environnement : "une société qui mène une course effrénée après la croissance" alors qu'elle devrait se soucier de développer une "sobriété heureuse". A partir de là, il s'agit de  faire émerger des actions locales pour "incarner le changement sur son territoire", autre slogan de Colibris, même si l'association n'y est pas rattachée. Pour Brigitte Gabaud, ces initiatives n'ont "pas l'ambition de renverser le système capitaliste" mais permettre de "co-construire", d'"apporter plus de confort sur un territoire, d'améliorer la qualité de vie tout en réfléchissant à développer un système annexe" à celui qui montre clairement des "signes" d'"obsolescence". Il s'agit d'"un pas de côté". Ne souhaitant "pas être dans la dynamique de lutter contre, de manifester" et de "s'y épuiser", elle veut porter un "regard positif et confiant sur ce qui peut être créé". Elle croit dans l'esprit de résilience de l'être humain, dans sa prise de conscience individuelle. Son but est de se demander "comment fonctionner à côté de ce système-là pour faire évoluer les choses. Cela passe par une certaine cohésion : quand les citoyens apprennent à bien se connaître et à développer des actions ensemble, ils peuvent faire poids afin de faire évoluer les choses". Elle espère que "toutes les initiatives feront tâche d'huile", citant le groupe Céla de Bergerac qui a ouvert son café il y a quelques mois avec des ambitions similaires.
Plusieurs soirées ont donc été programmées et le seront dans les semaines prochaines. Le 3 juin, avait lieu une soirée de réflexion sur les compteurs Linky, le 27 mai, une soirée intitulée "Comment bien vivre en s'entraidant?". Le 10 juin, était organisée une 2è rencontre sur les biens communs à laquelle se sont associés des adhérents intrigués, venus au départ pour partager une soirée "Comme à la maison" que propose aussi le Caf'etcetera (on apporte son pique-nique, on joue, on discute, on lit). Il s'agissait de définir ce que l'on pouvait partager pour s'entraider et diminuer l'impact sur la planète (des biens, des services, des lieux). L'association est aussi en lien avec le jardin verger partagé de Lalinde en transition. Un groupement d'achats de produits locaux a entamé un partenariat en assurant sa dernière livraison au café. Dans cette mouvance, un premier atelier graines germées aura lieu le 25 juin prochain. On se préoccupe aussi de sa santé. C'est d'ailleurs une conférence sur la médecine chinoise qui a inauguré le café et sera suivie le 17 juin par une conférence sur la naturopathie. Chacun dans son identité doit pouvoir être accueilli. Les occitanistes, dont la langue n'est pas encore acceptée partout malgré les progrès depuis les années 1970, pourront utiliser le café pour des rencontres. La première réunion est prévue le 20 juin, après le constat d'un manque en la matière sur le territoire. Elle sera ouverte à tous ceux qui souhaitent apprendre l'occitan, le transmettre ou tout simplement le parler. Autres projets : organiser des soirées concert ou théâtre avec le souhait de pouvoir payer un cachet aux artistes mais aussi des soirées scènes ouvertes. Brigitte Gabaud espère, en outre, que des adolescents vont investir le lieu pour transmettre les savoirs de leur génération.
Si le couple envisage de faire payer un loyer quand l'association sera plus développée et d'investir le 1er étage pour y vivre avec ses enfants, il met pour l'instant gratuitement le lieu à disposition, sans subvention. Cette indépendance financière est un choix suscité par l'expérience de Dimitri Gabaud. Investi dans un café en Bretagne, il a eu le regret de constater qu'un changement de municipalité pouvait engendrer le retrait des subventions et la fin d'une initiative locale. Les fondateurs du café envisagent l'éventualité de demander une aide auprès de la mairie uniquement dans le cas d'un projet commun bien spécifique et ponctuel. L'association vit actuellement grâce aux ventes de boissons et de pâtisseries et aux adhésions tandis que le couple est bénévole. Elle pourra bénéficier des sommes récoltées à l'issue des futurs ateliers de soutien à la parentalité.

N'ayant pas l'intention de se lancer dans la restauration qui n'est pas leur métier, Brigitte et Dimitri Gabaud imaginent plutôt faire appel à un jeune chef qui se lancerait dans une cantine nomade proposant des produits biologiques, frais et locaux.
Le couple compte sur le bouche à oreille pour accueillir de nouveaux adhérents. Il n'a d'ailleurs pas fait d'inauguration officielle qui aurait nécessairement attiré des curieux ou des personnalités locales se sentant contraints d'être présentes plutôt que des futurs membres réellement motivés par cette proposition qu'il espère convaincre avec le temps.
Le succès semble se profiler car, lors d'une soirée à laquelle nous avons assistée et dont nous vous reparlerons plus en détail, une bonne trentaine de personnes avaient fait le déplacement, nombre assez habituel, sans compter les enfants, piliers du changement, dont un espace est prévu pour eux au café.

Retrouvez toute l'actualité du Caf'etcetera sur : https://www.facebook.com/cafetcetera24/?fref=ts
Site des Semeurs d'avenir : http://semeursdavenir.fr/

Texte et photos : Laura Sansot

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