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04/03/2017

BORD DE SCENE AVEC LES ARTISTES INTERNATIONAUX DU SPECTACLE "ANTIPODES"

Le 14 février, l'Agora de Boulazac recevait les artistes du spectacle Antipodes, une création d'avril 2016 mise en scène par Gaëtan Levêque qui rassemble des circassiens et danseurs d'Europe, des Caraïbes et d'Argentine.

Gaëtan Levêque, co-fondateur du collectif AOC http://collectifaoc.com/ créé en 2000, et metteur en scène, est bien connu à l'Agora où il a présenté plusieurs spectacles, engagé en 2012 pour un compagnonnage de 5 ans avec le Pôle National Cirque. Ce circassien, diplômé du Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne (CNAC) depuis 1999, est spécialisé en trampoline et portées acrobatiques. 
Gaëtan Lévêque au micro
Antipodes est sa troisième collaboration avec le Plus Petit Cirque du Monde (PPCM) http://www.lepluspetitcirquedumonde.fr/, dirigé par Elefterios Kechagioglou,  implanté à Bagneux (92) dans un quartier prioritaire qui a pour ambition l'accès aux pratiques artistiques et culturelles des publics populaires et le développement par le cirque du lien social,  l'autonomie, la prise de risque mais aussi la mixité et la socialisation. 
Cette association "cherche à expérimenter et à tester de nouvelles formes d'écriture, de nouveaux rapports avec le public". Elle souhaite promouvoir "de nouveaux modèles de création axés autour du croisement des disciplines" et d'une "grande exigence artistique associés à des thématiques citoyennes". Elle s'engage notamment dans des projets internationaux dont le premier était Hip Cirq Europ' (2012-2014). Le deuxième Antipodes découle du précédent, un projet où Gaëtan Levêque était déjà investi. Il y avait dans la première création une volonté de mettre en place des résidences créatives et itinérantes. Dans le suivant, Gaëtan Levêque a choisi de l'ouvrir à l'international. Au départ, en 2014, il a réuni une vingtaine de jeunes artistes émergents de trois continents (Europe, Afrique australe et Amérique centrale et latine). En effet, comme il l'a expliqué lors du bord de scène, interrogé à ce sujet par un spectateur, l'idée est venue d'un "projet de rencontres de plusieurs artistes : des danseurs caribéens et métropolitains au début puis des artistes venus du Chili, de Madagascar..." Il s'agissait de "faire se rencontrer des artistes d'origines différentes travaillant sur des techniques différentes (danse, cirque, performance...)". Aujourd'hui, le spectacle s'est resserré sur dix artistes qui n'ont pas hésité à évoquer leurs origines.
 de gauche à droite : Basile Forest, Victoria Belem Martinez, Guillaume Amaro, Richard Ambroise, François Makerson
François Makerson vit à Haïti. Ce projet lui a "permis de rencontrer d'autres artistes", lui qui vient d'un "pays où il n'est pas facile de voyager". Depuis 2005, il se consacre entièrement à la danse grâce à une bourse donnée aux meilleurs artistes de son pays. Son art est le fruit de diverses influences : hip-hop, danse classique, moderne, traditionnelle haïtienne. Selon lui, Antipodes va au-delà d'un spectacle. Il est "une expérience de vie".  
Richard Ambroise vient de Sainte Lucie mais est diplômé de l'université de Paris VIII Saint Denis en jazz et danse contemporaine. Il a aussi été formé au théâtre. Sa danse est marquée par "les traditions de son île".
Guillaume Amaro, originaire d'Amiens, diplômé du CNAC en 2008, acrobate, spécialiste de mat chinois, intervient en tant que remplaçant sur cette création depuis 5 représentations qui lui ont déjà montré toute la richesse de "travailler avec d'autres milieux et d'autres contrées". 
Victoria Belem Martinez est originaire d'Argentine. D'abord gymnaste de haut niveau, elle se tourne vers le cirque : elle est alors contorsionniste et acrobate. Elle arrive ensuite en Europe, en Espagne puis en France où elle se forme à l'Ecole Nationale des Arts du Cirque de Rosny puis au CNAC dont elle sort diplômée en 2013. Ce projet lui permet de travailler avec des personnes qu'elle connaissait très bien (Basile Forest et Justine Berthillot) et d'autres pas du tout, a-t-elle précisé, une occasion pour elle qui a déjà une "double culture", de "découvrir la culture caribéenne". Dans le spectacle, Victoria Belen Martinez danse magnifiquement avec un arc.
Basile Forest a exactement le même parcours en formation en France que sa collègue argentine, spécialisé dans le portique coréen et le main à main. Dans le spectacle, on l'a vu aussi jouer du violon dans un art qui mêle prestation musicale et acrobatique, l'instrument semblant sans cesse lui échapper.
Justine Berthillot, comme Victoria Belem Martinez, a commencé par la gymnastique puis elle s'est formée à la danse contemporaine et au cirque tout en obtenant une licence de philosophie. Elle a été diplômée du CNAC en 2014. On l'a vue récemment dans un court-métrage (Sur ton dos) diffusé lors de la soirée 30'30 à l'Agora, le 24 janvier 2017.
de gauche à droite :
Leedyah Barlagne, Justine Berthillot, Maël Tebibi, Ronnie Young alias Crush (au micro), Basile Forest, Victoria Belem Martinez
Ronnie Young est originaire de Grenade, repéré par l'Alliance française et le ministère de la culture. Il est un représentant de la culture hip-hop qu'il défend comme un mode de vie.
Maël Tebibi est un danseur acrobate, franco-tunisien. Il a suivi une formation à l'école du cirque de Lyon puis au Lido-centre des arts du cirque de Toulouse. Il s'est nourri depuis l'enfance de gymnastique, de trampoline, capoeira et hip-hop.
 de gauche à droite : Natty Montella et Leedyah Barlagne
Natty Montella est originaire de Guadeloupe mais est née à St Denis. Elle a remplacé au pied levé Jessy Duhamel, une danseuse de la culture hip-hop, et a dû tout apprendre en une semaine. Comme dans la danse, elle a pu réaliser combien le cirque était une "dévotion". Elle s'est dite "surprise que cela fonctionne si bien", espérant que cela donne envie à d'autres de travailler ensemble.
Leedyah Barlagne est aussi originaire de Guadeloupe mais née à Rouen, a-t-elle confié au public. Enfant, elle "allai[t] au cirque mais n'avai[t] jamais travaillé avec des circassiens". Elle a remarqué leur "rapport au corps très particulier : ils sont tout le temps en train de s'entraîner", a-t-elle observé. Cependant, elle reconnaît s'être impliquée au-delà de la création musicale par son corps et sa voix (parties parlées).
Pour ce projet, Gaëtan Lévêque a travaillé avec Métis Gwa, créée en 2007 et dirigée par Sophie Balzing. Cette association guadeloupéenne soutient la culture et les arts en Outre-mer et au-delà. Ses projets artistiques incitent au dialogue entre danses hip-hop, contemporaines et traditionnelles et arts du cirque, qui, comme l'a rappelé Gaëtan Levêque, sont peu développés dans cette région du monde, à l'exception de Cuba. L'association favorise, depuis 2011, la rencontre d'artistes caribéens et d'ailleurs. 
Pendant deux ans, les artistes ont donc travaillé sur le projet qui a permis que les uns découvrent la Caraïbe et les autres l'Europe. Les Caribéens ont amené un certain souffle, leur "énergie de création", selon le metteur en scène, et la variété des danses dont le Gwo Ka, danse guadeloupéenne. Les Européens ont apporté leur connaissances des arts du cirque contemporain. En ce sens, Gaëtan Levêque reconnait que cette création a eu des visées pédagogiques.
Bertrand Landhauser est le compositeur des créations du collectif AOC depuis ses débuts et c'est naturellement que le metteur en scène l'a choisi pour travailler sur le plateau avec Leedyah Barlagne. Il s'est immergé dans la compréhension des sept rythmes de base du Gwo'Ka et a travaillé avec le chorégraphe guadeloupéen Jean-Claude Bardu qui a beaucoup influencé la partition musicale composée spécialement pour ce spectacle.
La chanteuse et percussionniste est présente tout le long de la repréentation et plonge d'emblée le spectateur dans un autre univers. Seule sa voix envoûtante résonne dans le noir puis elle apparait toute de blanc vêtue progressivement rejointe depuis la pénombre par les danseurs autour d'elle. Le spectacle alterne séquences individuelles et collectives, comme pour illustrer "ce qui les sépare et les relie". Une thématique chère au metteur en scène qui travaille depuis plusieurs années sur "la dualité entre le groupe et l'individualité". Perpétuellement en mouvement, les artistes d'horizons les plus lointains semblent mêler leurs arts et s'unir dans un voyage imaginaire. L'acrobate ou le danseur ne reste pas seul longtemps. Danse hip hop et portées acrobatiques cohabitent. Le cirque lui-même essentiellement basé sur l'acrobatie devient danse. La musique alterne rythmes traditionnels avec la force du tambour, ambiance nocturne, accents jazzy et hip-hop. Le spectacle s'achève par une communion des artistes formant un seul choeur/coeur sur des rythmes rapides, apothèose du travail en commun qui leur a permis de partager leurs arts et leurs différences dans un plaisir communicatif. Le public composé de nombreux jeunes a chaleureusement applaudi la chanteuse et musicienne, les danseurs et les acrobates.
Le spectacle a été créé à Basse-Terre en Guadeloupe en avril dernier. Il a été programmé depuis à Paris et en région parisienne, au festival Danses métisses de Cayenne, à Elbeuf (76). Les artistes se retrouveront pour une tournée dans le petites Antilles en mars 2018.

Les photos étaient interdites pendant la représentation pour ne pas gêner les artistes.

Texte et photos (sauf mention contraire) : Laura Sansot

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