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17/03/2017

FANFRELUCHES, HUMOUR ET CHANSONS FRANCAISES AVEC LE TRIO DEJANTE CARTON JAUNE

La Grande Métairie de La Rochebeaucourt invitait, par un dimanche après-midi pluvieux de mars, 
la compagnie Carton jaune, désignée par Chantal Verschuren, comme "l'homologue féminin", d'ailleurs "intimement lié", du précédent spectacle programmé par l'association, celui du groupe Entre 2 caisses http://artpericite.blogspot.fr/2017/02/sous-la-peau-des-filles-les-hommes-sont_8.html. Ce trio de femmes pétillantes et délurées, Carton jaune, proposait A nos hommes!

Le carton jauni de l'orgue de barbarie, l'instrument star qui les accompagne sur les quatre spectacles qu'elles ont créés depuis la formation de leur compagnie en 2000, a inspiré leur nom comme leur manière d'aborder la scène : on est "toujours sur le fil", "on est joueuses, toujours limites, hors jeu" mais "le football n'a rien à voir là-dedans", déclare la riante Sophie Maucourt. Lors de leurs premières rencontres au cours d'évènementiels, ces Drômoises se sont d'abord produites dans la rue puis dès 2002 dans des salles de spectacle fréquentées par des spectateurs sûrement plus attentifs mais pas moins actifs, comme leur prestation en Dordogne l'a révélé.

Toutes les trois viennent du monde du spectacle vivant et accordent donc à la relation avec le public une place fondamentale. Tandis que Mireille Séguret, alias Amélie, vient directement de la chanson de rue et s'est forgée une voix puissante,
Valérie Baudouin s'est formée au théâtre (contemporain et classique) et aux arts du cirque
et Sophie  Maucourt a, quant elle, commencé par être professeure de danse avant d'oser se lancer dans le spectacle mettant à profit ses compétences de danseuse et se découvrant progressivement, encouragée par son entourage, des talents de comédienne et de chanteuse. Comme ses complices de scène, cette dernière, intermittente depuis 1994, s'implique dans des projets parallèles. Elle a choisi d'être clown auprès d'enfants malades et chanteuse auprès d'adultes atteints de cancer. La maladie rend ces spectateurs un peu particuliers "sensibles aux choses essentielles" et leur révèle ce dont ils n'avaient pas nécessairement conscience, explique-t-elle en substance. Des rencontres qui sont pour elle d'une grande richesse.
Les trois artistes allient leurs différents talents pour construire des personnages clownesques que l'on retrouve dans tous leurs spectacles : une femme interprétée par Amélie qui joue la maîtresse d'école et tente, souvent en vain, de discipliner ses deux autres acolytes,
faussement effarouchées, prêtes à toutes les facéties et les mimiques les plus drôles réalisées dans son dos.
Sauf que leur espièglerie est communicative et la cheftaine se laisse parfois aller à quelques débordements. Car on est avant tout dans le théâtre avec ces trois femmes qui voudraient se faire passer pour des pimbêches préoccupées uniquement de leur physique. D'ailleurs, le ton est donné dès leur entrée en scène : "on est dans le grand chic drômois"
avec les accessoires afférents : des sacs à main du meilleur goût
sans compter les chaussures dans le même esprit.
Les spectatrices ont-elles su à La Rochebeaucourt rivaliser avec les sacs de ces dames? Il semblerait que oui grâce à/à cause d'un mari malicieux qui n'a pas hésité, incité par des artistes toutes disposées à faire participer le public, à attirer l'attention d'une des comédiennes sur le sac en forme d'animal en peluche de son épouse.
Le sac à main, certes emblématique, accroché à l'un des rares éléments de décor, le cactus servant de porte-manteau, n'est pas le seul attribut. Chacune sait dégainer son bâton de rouge à lèvres
et son foulard à plume...de poules,
quoiqu'à vouloir copier les copines, on peut paraître ridicule!
Il ne faut pas oublier non plus les éventails à plume très colorés.
Entre les chansons, les plaisanteries fusent et des devinettes bidon font recette!
Si le premier spectacle convoquait des chansons de la première du moitié du XXè siècle, celui, plutôt familial, intitulé Et celle-là, tu la connais? évoquait des chansons françaises guidées par le fil rouge de la naissance de la télévision alors que les ateliers donnaient à entendre aux enfants quelques grandes chansons du patrimoine. Sur ce spectacle qui connaît un réel succès depuis sa création en 2009,  ce sont des chansons de la seconde moitié du XXè siècle qui ont été choisies.
Et le choix fut rude puisque les trois personnages sont interprétées par des artistes elles-mêmes au "caractère bien trempé", reconnaît Sophie Maucourt. Chacune doit donc batailler pour imposer ses coups de coeur, critère de choix pour déterminer la liste des chansons qui sont toutes des reprises. Estimant le répertoire français comme un véritable "vivier", soulignant "la qualité d'écriture" des auteurs, les chanteuses n'ont fait aucune composition.
Elles défendent, en revanche, "un travail d'interprétation" qu'elles réalisent sans metteur en scène mais soumettent aux regards extérieurs de leurs proches. La qualité du spectacle vient d'ailleurs autant du choix des chansons, pour certaines oubliées des jeunes générations, que d'une interprétation toute personnelle, de cette appropriation plutôt déjantée et pleine d'humour, parfois sur le fil de la plaisanterie. L'interprétation est telle qu'on s'imaginerait presque que les paroles en ont été changées et pourtant ce n'est pas le cas. Sauf peut-être pour Mon homme, une chanson rendue célèbre par Mistinguett que les comédiennes agrémentent de paroles en anglais et en espagnol. On les a vues se laisser emporter par leur propre interprétation pour un rapprochement inattendu avec le public qui avait déjà eu lieu plus tôt dans le spectacle, les hommes étant tenus toutefois de garder leurs distances!
Ce sont plutôt "des chansons à texte, un peu grinçantes, avec un côté subversif" selon Sophie Maucourt, souvent écrites par des femmes, par de merveilleuses auteures comme la trop méconnue Michèle Bernard (Je t'aime), Juliette (Lucy pour la musique mais les paroles reviennent à Bernard Joyet, La paresse), Marie-Paule Belle (La parisienne et Mes bourrelets d'antan). On a entendu aussi une chanson de Sophie Forte (J'suis une crooneuse), Brigitte Fontaine (La côtelette), une chanson interprétée par Nathalie Miravette (Culcul). Quand ce sont les hommes les auteurs (la chanson Les cactus de Jacques Dutronc a lancé le programme), ils peuvent en prendre eux-mêmes pour leur grade, comme l'illustre la chanson d'Henri Tachan La Castagne où d'ailleurs aucune hiérarchie politique, militaire ou ecclésiastique n'est épargnée! Les hommes eux-mêmes connaissent leurs défauts : c'est un Boris Vian qui incite les filles à ne pas se marier (Ne vous marriez pas). Quand il s'agit d'endormir un enfant avec La berceuse de Bénabar, les trois fées sur le berceau imaginaire
se transforment rapidement en sorcières 
mais arrivent à endormir le gros bébé choisi dans le public grâce à leurs talents d'hypnotiseuses! 
C'est a capella qu'on les entend souvent, même si l'orgue de barbarie apparaît comme le quatrième personnage du spectacle, au centre de la scène.
Les femmes et les hommes semblent se réconcilier, toutefois, à la fin du spectacle avec la chanson interprétée par Jeanne Moreau La vie s'envole et la vie à l'envers imaginée par Woody Allen où l'on découvre comment bien terminer son existence!
Cela donne un spectacle enlevé, très rythmé, tout en laissant place à l'improvisation, où chants et comédie ne cessent de se mêler revisitant d'une manière inédite et enthousiasmante des chansons tout à la fois drôles, pleines de poésie, tendres et coquines pour mieux faire passer, sous des dehors futiles, quelques élans de subversion.
Après le spectacle, le public, venu nombreux, avait l'occasion de partager ses impressions avec les artistes lors d'une collation constituée de douceurs apportées par chacun.
Même si le trio n'a pas manqué de rappeler à deux reprises, avec l'humour qui était le sien, l'adresse internet de son site, le voici à nouveau : http://www.cartonjaune.fr/

Texte et photos : Laura Sansot

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