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27/03/2017

RENCONTRE THEATRALE AUTOUR DU CLOWN CHOCOLAT

Le 14 mars, la CGT de la Dordogne accueillait, grâce au soutien financier de l'Union régionale, un spectacle autour de la figure du clown Chocolat popularisée par le film au titre éponyme, sorti au début de l'année 2016. L'évènement s'inscrivait dans le calendrier de la présidentielle, comme une participation aux actions menées pour contrer les théories racistes de l'extrême-droite, tel que l'a indiqué Cyril Moreno, animateur de cette soirée. Celle-ci était articulée en deux temps, la représentation d'une pièce et un débat, et permettait de rencontrer Gérard Noiriel, invité ce soir-là, l'historien à l'origine de ce film.
Directeur d'études à l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), d'abord spécialisé dans l'histoire ouvrière, il est devenu un des pionniers de l'histoire de l'immigration dont les recherches ont commencé avec la montée de l'extrême-droite en France. Il a toujours mené son travail d'historien en lien avec un investissement militant. Il fonde d'ailleurs avec Martine Derrier le collectif DAJA (Des Acteurs culturels Jusqu'aux chercheurs et aux Artistes) en 2007.
Martine Derrier Gérard Noiriel
Cette association, reconnue d'intérêt général, rassemble des artistes, des chercheurs en sciences sociales, des associations militantes et des structures socio-culturelles qui souhaitent transmettre des idées mises en lumières par les chercheurs au moyen de la médiation artistique. Elle estime la nécessité impérieuse de trouver de nouvelles formes pour interpeller sur les questions de discrimination la jeune génération, notamment celle des classes populaires, considérant qu'il faut "faire vibrer davantage la corde émotionnelle" pour convaincre. http://clown-chocolat.com/wp-content/uploads/2016/01/article_gerardnoiriel_huffingtonpost_janvier2016.jpg. Cette association a été créée aussi suite à l'instauration du ministère de l'identité nationale pour protester contre le rôle que pouvaient jouer certaines institutions culturelles auprès de ce ministère, a expliqué Martine Derrier dans un article de juillet 2016. http://clown-chocolat.com/wp-content/uploads/2016/07/lepetitjournal1-730x410.jpg
C'est le fil conducteur du rire qui a été choisi. Le collectif cherchait un personnage historique comique. Gérard Noiriel s'est souvenu d'une note de bas de page d'un ouvrage où il était question du clown Chocolat. Il s'est alors lancé en 2009 dans une recherche qui a duré 6 ans, afin d'établir la biographie de cet homme dont la destinée pourtant extraordinaire était tombée dans l'oubli. Pour commencer sa recherche, Gérard Noiriel est parti d'un livre pour enfants publié en 1907, Les mémoires de Footit et Chocolat, par un journaliste, Franc-Nohain, pétri de préjugés racistes qu'il a dû décrypter, mais aussi d'un livre de Tristan Rémy, Les clowns, publié en 1945, lui aussi, imprégné des idées de son temps où "le clown noir est présenté comme un pauvre nègre abruti". Le travail sur les sources l'a conduit notamment de Paris à La Havane en passant par Bordeaux et Bilbao.
Le chercheur a reconnu avoir été frustré au moment de la sortie du film par les libertés prises avec la réalité historique. A l'origine, les futurs producteurs du film avaient repéré un article sur le premier spectacle créé en 2009 par le collectif en association avec Marcel Bozonnet, directeur de la compagnie des Comédiens-Voyageurs, Chocolat, clown nègre. Ils cherchaient une idée de film pour mettre en avant un acteur qui montait, Omar Sy.
Si Roschdy Zem a été contacté pour réaliser le film, cela  n'a pas empêché Gérard Noiriel de penser qu'il s'agissait avant tout d'"un film de producteurs". Il a certes été associé à l'écriture du scénario mais de façon épisodique, recevant une version tous le 6 mois environ, comme il l'a regretté lors de cette soirée. Il en a résulté une "adaptation libre". Pour utiliser les recettes d'Intouchables qui avaient si bien marché, il fallait créer une histoire d'amitié entre Chocolat et George Footit, alors que, dans la réalité, leurs rapports n'étaient pas aussi idylliques. De même, encore prisonniers de schémas coloniaux, les auteurs du film ont voulu montrer que Footit avait découvert Chocolat alors qu'il était déjà célèbre quand il l'a rencontré. Son addiction au jeu était en fait une addiction pour les courses de chevaux dont il fréquentait les propriétaires. Il n'était pas non plus drogué mais plutôt dépendant de l'alcool, produit plus courant à ce moment-là. Il est par ailleurs question de papiers d'identité dans le film alors que cela n'existait pas à l'époque.  Ayant déjà publié un ouvrage en 2012, Chocolat, clown nègre, "conçu comme une analyse critique des préjugés  racistes de la Belle Epoque à partir de ce personnage surnommé Chocolat", l'historien a souhaité apporter un contre-point à un film vu par 2 millions de spectateurs. Il a rédigé un article dans le Huffington Post http://clown-chocolat.com/wp-content/uploads/2016/01/article_gerardnoiriel_huffingtonpost_janvier2016.jpg et publié l'ouvrage sorti en 2016 : Chocolat. La véritable histoire d'un homme sans nom.
 
De même, ce spectacle sous forme de théâtre-documentaire, mis en scène par Isa Armand, vient contrebalancer l'histoire quelque peu romancée du film qui a eu, toutefois, le mérite de faire connaître le premier artiste noir ayant eu du succès en France, comme l'a souligné Gérard Noiriel.
Pour ce faire, le dispositif est simple : soutenu par une régie assurée par la productrice elle-même, Martine Derrier, visible pour mieux montrer comment se fait le théâtre aux publics pour partie éloignés de la culture, par une création lumière récemment réalisée mais absente ce soir-là, un comédien seul en scène pendant 45 minutes, Gora Diakhaté, retrace la vie de celui qui s'appelait en fait Rafael. Le premier spectacle était centré sur les représentations du clown Chocolat, manière d'aborder la question des discriminations et du racisme. Or, la présentation de cette pièce dans un lycée professionnel de banlieue parisienne a créé un électrochoc pour les auteurs confrontés à un élève contrarié par le spectacle. Celui-ci ne pouvait pas admettre qu'un homme se laisse humilier sans résister et les auteurs devaient mettre en avant ses modes de résistance. Enrichis par ce retour, encouragés par "ce contact qui a montré qu'il y avait encore quelque chose de vivant", ils ont choisi de travailler sur la personne même de Chocolat et sa vie. Cela a donné à la fois ce nouveau spectacle Chocolat Blues et une exposition On l'appelait Chocolat qui a été présentée à la Bourse du travail de Bordeaux le jour même où le spectacle était donné à Périgueux et visible jusqu'au 31 mars.
 
L'affiche reprend une photo réalisée "en 1902 dans le studio d'un grand photographe parisien au moment où le clown Chocolat est au sommet de sa gloire. Il veut montrer qu'il est devenu un homme important. (...) Il sait pertinemment que les Parisiens qui voient un Noir en habit ne le prennent pas au sérieux et le trouvent ridicule. Il sait que son nom plaide contre lui. Alors son corps entre en résistance et parle à sa place".  
http://clown-chocolat.com/conference-de-gerard-noiriel-aux-rendez-vous-de-lhistoire-a-blois-091016/
 photos prises dans le hall de la Bourse du Travail à Bordeaux
Cette évolution du spectacle a fait réaliser à l'équipe l'importance de transmettre aux classes populaires des exemples historiques de luttes et de solidarités. Ils peuvent leur servir de modèle pour leurs combats actuels plutôt que de laisser le Front National attiser la haine et obliger ceux qui le combattent à se cantonner dans des procès contre le racisme. Cela peut les placer dans un rôle actif plutôt qu'en position de défense.

Le spectacle n'aborde pas immédiatement l'histoire de Chocolat. En revanche, à travers le discours du comédien et des vidéos, il montre comment le geste, la danse et le mime ont constitué, à défaut d'utiliser le langage, attribut des dominants, des moyens de résistance au sort d'esclave qui lui était pourtant réservé. C'est la force de ce spectacle d'insister sur cette quête de liberté, d'égalité et de dignité qui ne l'a jamais quitté, même s'il peut "avoir le blues" de ne pas avoir été reconnu pour le rôle pionnier qu'il a joué. Est ainsi présenté le geste de résistance par excellence des esclaves noirs le doigt levé et le genou plié qu'adopte le comédien. Cette gestuelle des Noirs s'est d'ailleurs transmise au fil des siècles à travers la danse chez Mickael Jackson ou le hip hop, un héritage que le Marché a occulté.
Gora Diakhaté, en costume rouge, signe de dignité, se lance alors dans le récit de la vie de cet homme, mêlant parole et gestuelle, incarnant de façon émouvante, visiblement très pénétré, un des artistes dont il est en quelque sorte héritier. Ce comédien mais aussi danseur mauricien de la compagnie parisienne ALIHOsA, fondée en 2001 par Isa Armand, a expliqué avoir été touché par l'histoire de cet homme peu instruit qui a trouvé au fond de lui des ressources pour se rebeller, transmettre des éléments de sa culture, s'affirmer dans ce monde de Blancs. Quand il a commencé le théâtre, il ne connaissait pas son existence mais supposait qu'un homme avait dû ouvrir le chemin. "De de le rencontrer sur un plateau, c'est un cadeau qui m'a été fait" a-t-il reconnu.
Rafael, raconté par le comédien à la première personne, naît entre 1865 et 1868 à Cuba. Il baigne très tôt dans une culture de la musique et de la danse. Il observe ses congénères danser sur le port de La Havane, images intégrées dans son corps (il n'a pas appris à danser) qui seront son seul bagage pour l'Europe.
Il est vendu à un riche colon espagnol à l'âge de 10 ans et arrive dans un village basque, Sopuerta, où il devient valet de ferme. On l'appelle étonnement El Rubio. Il s'enfuit à 14 ans, avec la crainte d'être attrapé par la police, et devient manoeuvre puis mineur à Bilbao. Une association malheureuse avec un groom précède sa rencontre dans un bar, où il danse, avec un des clowns les plus connus d'Europe, Tony Grice. L'Anglais le repère et l'emmène à Paris en 1886. Il porte ses instruments de clown et se fait battre mais cela reste du spectacle à l'heure où, aux Etats-Unis, les Noirs se font lyncher et où les mariages mixtes sont interdits (légalisés seulement à la fin des années 60 par l'arrêt Loving de la Cour Suprême). Il adopte, même s'il constitue une injure, le nom de Chocolat, celui que l'on donnait aux Noirs, quand ce n'était pas celui de Bamboula. Cependant, lorsqu'il entre en scène au Nouveau Cirque, il découvre qu'il fait rire à cause de sa couleur de peau. Il décide alors de devenir clown et se met à incarner le nègre rigolo frappé par le clown blanc. Ces numéros sont inspirés par le minstrel show, un spectacle américain inventé à la fin des années 1820 où des acteurs blancs se noircissaient le visage, des spectacles popularisés par Jim Crow. Ceux-ci incarnaient des Noirs stupides, joyeux, doués pour la danse et la musique. Très vite, Rafael triomphe dans La noce de Chocolat en mars 1888. Il renouvelle l'art du mime jusque là incarné par le clown blanc et s'impose comme clown noir. Sa négritude qu'il voulait cacher, celle que les paysans basques, ignorants de l'existence d'hommes noirs, voulaient effacer, il en fait un atout et lui donne accès à la célébrité et même à l'amour. Un soir, une spectatrice, éblouie par son travail, vient dans sa loge et s'adresse à lui d'égal à égal : il en tombe amoureux.
Marie Hecquet va quitter son mari douanier et partir avec ses enfants, Suzanne et Eugène, pour aller vivre avec lui, sans pouvoir jamais l'épouser. Il n'a pas été émancipé en France alors que l'esclavage est aboli à Cuba depuis le milieu des années 1880 et en France depuis 1848. S'il devient le roi des nuits parisiennes en étant clown, danseur, chanteur, son image est diffusée sous les traits d'un singe par Toulouse-Lautrec.
Le peintre lui rend, malgré tout, hommage en mettant en valeur sa gestuelle marquée par sa culture d'origine et sa culture européenne d'adoption. 
Après le succès de La noce de Chocolat, il est reconnu comme un artiste de cirque à part entière.
Il forme des duos avec le clown Medrano et à partir de 1895 avec Georges Footit. Ils incarnent une entrée clownesque intitulée "Guillaume Tell". Le succès est phénoménal. Ce sketch est même filmé par les Frères Lumières. Il inaugure la relation entre deux personnages, la comédie clownesque, le duo du clown blanc et de l'Auguste. Rafael crée un nouveau type d'Auguste, auparavant popularisé par James Guyon comme un adulte apparemment stupide mais en fait rusé, qu'il transforme en enfant-espiègle auquel le public blanc peut s'identifier. Contrairement au film qui présente Footit comme le découvreur de talent, c'est une position presque inverse qui a eu lieu : Footit, parti avec une jeune écuyère, a rompu son contrat avec le Nouveau Cirque. Or, l'idylle ayant tourné court, il sollicite un nouveau contrat et c'est le directeur du Nouveau Cirque qui le contraint à constituer un duo avec le clown Chocolat, l'un jouant le père-sévère, l'autre l'Auguste-enfant.
 
 photo prise dans l'exposition visible à la Bourse du Travail à Bordeaux
Ce succès qui lui a permis de rencontrer l'élite financière, intellectuelle et artistique, prend fin autour de 1905. Rafael a vieilli et se trouve concurrencé par une nouvelle génération de danseurs noirs américains. La France découvre le cake walk et le ragtime. Les deux clowns sont licenciés par un  directeur fraîchement promu du Nouveau Cirque. Le spectacle montre d'ailleurs sur l'écran la lettre de réponse de Rafael à un journaliste qui annonçait sa mort en 1909, où l'on constate que cet homme analphabète, instruit par sa femme, ne manquait pas d'ironie, note Gérard Noiriel :

document extrait de : 
Footit et Chocolat se produisent alors avec leurs fils respectifs. Même si Rafael n'est pas son père, Eugène est très attaché à lui, comme toute cette famille très soudée. Il prend le nom de Chocolat fils. Ils créent ensemble le duo Tablette et Chocolat, tandis que Suzanne commence comme acrobate avant de mourir des suites d'une grave maladie à 19 ans.
C'est le moment où Rafael tisse des liens avec des associations pour enfants malades. Il inaugure l'activité de clown thérapeute : pendant plusieurs années, il ira deux fois par semaine dans les hôpitaux, ce qui lui vaudra la médaille du mérite républicain. S'il a combattu les stéréotypes en incarnant des centaines de rôles (il estime avoir endossé plus de 1500 costumes différents), il essaie, à la fin de sa vie, de gravir une marche supplémentaire : puisqu'il n'a plus le succès qu'il a connu en tant que clown, il sera comédien. Le père du théâtre populaire français, Firmin Gémier, accepte de lui confier le rôle principal dans Moïse, une pochade jouée au théâtre Antoine. C'est un échec retentissant car le public n'est pas encore prêt à voir un comédien noir. Suite à l'Affaire Dreyfus, il est moins facile de se moquer publiquement d'un Noir se faisant rosser. Cependant, on peut encore s'indigner de voir un Noir incarner un personnage de théâtre. Il sombre dans l'oubli et la misère. Il meurt le 4 novembre 1917 alors qu'il est engagé comme auguste de soirée par le cirque ambulant de Rancy. Il est enterré dans le cimetière protestant de Bordeaux, une cité qui fut une ville négrière. Triste ironie du sort!
L'employé d'état civil lui attribut le nom de Rafael Padilla qu'il n'a pas porté de son vivant, référence au nom de la femme du colon espagnol, Patricio Castano, qui l'a acheté. Ainsi, malgré ses succès, il n'a pas réussi à obtenir un nom. Seule une expression est restée dans la mémoire collective : "être chocolat" (être dupé, berné, trompé). Quant à sa femme, son voeu de voir apposer "Veuve Chocolat" sur son épitaphe est vite anéanti par une main anonyme qui barre ce nom au profit de celui de son ancien mari. La France ne peut pas accepter d'avoir reçu sur son territoire un homme auquel elle n'a pas donné de nom alors que l'esclavage y est aboli depuis un demi-siècle. Il y a d'ailleurs un paradoxe entre cette invisibilité de la personne dans les archives et la profusion de documents sur le personnage, a constaté l'historien. En revanche, il est resté adoré des enfants, comme il l'a indiqué lors de cette soirée. Ils n'ont pas hésité à honorer la souscription lancée par Le Figaro quand il était en difficulté. D'ailleurs, un jeune garçon du public s'est ému que ce clown ait été moqué de son vivant. Gérard Noiriel a présenté avec des mots simples le contexte de l'époque qui en était la cause. Son milieu social ne l'a pas délaissé non plus. Il était bien intégré dans le milieu populaire notamment dans la famille du cirque présente jusque derrière son cercueil.
Cet historien est donc à l'origine d'un travail formidable de redécouverte de la vie de cet homme, de ce qu'il a apporté à la culture française et de ses actes de résistance. S'il a dû jouer au départ "le rôle du nègre primitif et rigolo", il a utilisé l'arme du rire pour s'introduire dans le milieu des élites et surtout pour combattre les clichés. Par son art, il a transformé "une appellation négative" (Chocolat) en "une image positive". "Ce qui a été pris pour le comble de la soumission était en réalité une stratégie de lutte imposée par la nécessité". http://clown-chocolat.com/conference-de-gerard-noiriel-aux-rendez-vous-de-lhistoire-a-blois-091016/
 
Rafael a été éclipsé par la figure, arrivée en 1925, elle aussi rebelle et venue d'Amérique, de Joséphine Baker, pourtant prise pour "une artiste exotique de bas étage". Comme la Vénus Noire réhabilitée récemment par un film de Abdellatif Kéchiche, Chocolat a été découvert par le grand public grâce à un film de cinéma. Si celui-ci conserve quelques relents coloniaux pour des raisons commerciales, il a donné un nouvel élan au travail de reconnaissance dont l'historien souligne le mérite.
Ainsi, une plaque a été posée pour commémorer la mémoire du clown Chocolat et de son associé Footit au 251 rue Saint Honoré où était implanté le Nouveau Cirque, le 20 janvier 2016. La Ligue des Droits de l'Homme du XVIIIè arrondissement de Paris milite, avec l'accord des descendants de Marie, pour que l'épitaphe qu'elle souhaitait soit rétablie. Des associations se sont constituées autour de ce personnage historique. Par ailleurs, il est fondamental pour Gérard Noiriel que les intellectuels reconnaissent les erreurs commises. Ainsi, c'est la Revue Blanche, première revue des intellectuels de gauche dont le secrétaire n'était autre que Léon Blum, qui en 1895 publie une caricature de Toulouse-Lautrec, la première représentation du clown Chocolat dans la presse, où on le voit se faire botter le derrière par Footit, a rappelé l'historien pendant la soirée. http://clown-chocolat.com/conference-de-gerard-noiriel-aux-rendez-vous-de-lhistoire-a-blois-091016/ Or, pas un seul historien de l'art n'est revenu sur la manière dont le clown Chocolat a été représenté dans l'iconographie. Gérard Noiriel a estimé qu'"il fa[llai]t faire le ménage dans notre propre histoire" et "avoir le courage d'affronter ce passé". Cette revue a joué un rôle d'autant plus grand dans la diffusion du stéréotype  du Noir battu mais content que l'élite cultivée ne fréquentait pas les cirques, a précisé Gérard Noiriel dans une conférence.

Le public, lors du débat, s'est montré très enthousiaste suite à cette représentation qui donnait l'impression à un spectateur de voir débarquer une troupe de théâtre ambulant tandis que d'autres saluaient la rigueur historique, l'interprétation du comédien, un spectacle simple, sans artifice, poétique tout en mettant en avant des idées et en mêlant différents arts, l'importance de la gestuelle comme acte de résistance. La représentante de la CGT Dordogne, Corinne Rey a observé que le film, s'il voulait rendre hommage à un artiste noir pionnier, faisait appel à un comédien qui dans sa vie professionnelle restait lui aussi cantonné dans un certain rôle : le Noir gentil contestant peu les choses. Or, avec cette pièce, "on relev[ait] la tête", c'était "peut-être un pas de côté". "La culture [étai]t une manière de faire réfléchir tout en faisant passer un bon moment".
Or, ce spectacle est rarement retenu par les scènes culturelles parisiennes ou de province. Il tourne davantage dans les petits lieux car les programmateurs estiment qu'il relève du socio-culturel, comme l'ont regretté ses auteurs. Le public ce soir-là était d'ailleurs composé de nombreux sympathisants ou membres de la CGT et de peu de spectateurs des centres culturels périgourdins. Dommage car la rencontre avec les acteurs, comédiens et auteurs, de cette pièce était exceptionnelle pour comprendre le travail de recherche réalisé, l'engagement d'un historien et la manière novatrice dont sciences, art, échanges avec le public pouvaient s'enrichir pour combattre les préjugés aussi tenaces qu'il y a un siècle. Bravo à la CGT de contribuer à l'éducation populaire!
de gauche à droite : Martine Derrier, Gérard Noiriel, Gora Diakhaté et Cyril Moreno (animateur de la soirée)

Texte et photos : Laura Sansot

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