Parce qu’il n’y a pas d’art sans engagement
Parce que les Arts disent que d’autres mondes sont possibles
Parce que des femmes et des hommes tentent de les construire
Parce que les Arts nous affranchissent des frontières et de l’enfermement
Parce que la Dordogne fourmille d’actions et de projets politiques alternatifs
Parce qu’aucun blog ne recense ce foisonnement d’activités militantes, politiques, artistiques et culturelles différentes,
Nous vous proposons Art Péri’Cité :
des agendas et des reportages sur les diverses manifestations ou activités

14/05/2017

LA PHOTO COMME ACTE MILITANT : JEAN-BAPTISTE EVRARD EXPOSE AU CAFE DES THETARDS

Le 12 mai,  avait lieu, au café associatif de Périgueux Les Thétards, le vernissage de l'exposition photos de Jean-Baptiste Evrard : Résister!

Celui qui se considère avant tout comme un militant plutôt qu'un photographe a commencé à prendre des clichés, après avoir reçu un appareil photo en cadeau d'anniversaire pour ses 30 ans. Il en a 32, autant dire qu'il a fait du chemin depuis 2 ans! Au départ, il souhaitait prendre des photos de son entourage familial mais, très investi dans la lutte syndicale, il a choisi un an après d'aller dans les manifestations, l'appareil en bandoulière. La première, c'était à l'automne 2015. Tout de suite, ses photos ont été plébiscitées par les militants qui retrouvaient leurs visages sur la page facebook qu'il avait réalisée à cette occasion : https://www.facebook.com/photographiesdunnonphotographe/ Rares étaient ceux qui demandaient à ce que les photos soient enlevées d'Internet, ravis d'être si bien mis en valeur par ce talentueux militant. Jean-Baptiste Evrard est même surpris par le succès de ses photos : la secrétaire départementale de la CGT est régulièrement interpellée quand il ne publie pas au plus vite l'album de la dernière manifestation.
Est-ce un secret de famille ce don pour la photographie? Le jeune homme a appris récemment que son grand-père maternel, qu'il a peu connu, avait été un grand passionné de photos et photographe amateur. Le petit-fils très humble n'a pas l'intention d'en faire son métier : "la photographie, c'est plus du militantisme", explique-t-il. Il souhaite donner une image positive des manif', loin de celle véhiculée par les média nationaux où la violence domine. Prenant le contre-pied de cette vision, les manifs apparaissent sur ses photos comme des moments "conviviaux, fraternels". En outre, ses acteurs sont des personnes qu'il admire. "J'ai un grand respect pour ceux qui se battent, pour ceux qui résistent (...). Il faut être courageux pour manifester parce que l'on s'oppose à la pensée dominante". C'est la raison pour laquelle il a choisi de donner à cette exposition le titre "Résister!". 
Tout comme les animateurs de l'association Le Quai l'avaient sollicité à l'occasion des 80 ans du Front Populaire http://artpericite.blogspot.fr/2016/12/quand-les-chansons-des-freres-jacques.html, ceux du café associatif ont estimé qu'une exposition serait bienvenue pour commémorer le 1er mai, "fête des revendications salariales", précise-t-il, et les manifestations contre la Loi Travail de l'année 2016.
Jean-Baptiste Evrard a trouvé le lieu très adapté et choisi d'exposer ses clichés, à la manière des photographes de Nuit Debout (Photographes Debout) : les photos étaient suspendues sur des fils avec des pinces à linge. Une spectatrice a apprécié l'absence de cadre des photos, une manière de concrétiser la contestation du cadre social dans lequel les dominants veulent nous enfermer. Plus modestement, leur auteur refuse le cadre pour ne pas assimiler ses photos à une forme d'art, répétant qu'il s'agit avant tout de militer par ce moyen.
D'ailleurs, le texte introductif qu'il a rédigé martèle cet engagement. La grève et la manifestation sont les moyens de résister aux "puissants [qui] ont compris qu'il fallait diviser au maximum jusqu'à individualiser la classe dominée afin d'éviter tout risque de grosse révolution et de continuer à s'enrichir en exploitant le peuple". Plus loin, alors que beaucoup se sont résignés, il écrit : "n'est-ce pas la meilleure arme à notre portée pour faire changer les choses?". Parce que des "combattants" se sont insurgés contre cette loi Travail qui visait à "exploiter encore plus les travailleurs dans le seul but d'augmenter leurs profits", il a souhaité rendre hommage à leurs luttes qui ont duré plusieurs mois.
Parmi les très nombreuses photos qu'il a prises (en moyenne 300 à 500 par manifestation dont il extrait entre 50 et 150 pour un album, selon l'importance de l'évènement), il a choisi pour cette exposition de montrer des visages de responsables d'organisations syndicales, de militants des syndicats ou d'associations, 
de jeunes,
de personnes handicapées afin de montrer aussi toute la diversité des participants.
 
On y voit autant d'hommes que de femmes même si l'auteur n'a pas recherché la parité : "plus largement, c'est contre la patriarcat qu'il faut lutter, très insidieux dans notre société, notamment quand on voit que ces règles sont votées au sommet de l'Etat et nous sont imposées mais que les gouvernants ne sont même pas capables de se les appliquer à eux-mêmes!", explique-t-il.
Si des plans de foule côtoient des photos de slogans,
ils s'associent à de nombreux portraits, exercice favori du militant. Il aime que les manifestants se reconnaissent sur les clichés et s'apprécient. Pour mieux les mettre en valeur, ils les prend sur le vif. La spontanéité les rend plus beaux, argumente-t-il. Il espère ainsi que cela incite, du moins à Périgueux, les personnes à descendre dans la rue car il croit beaucoup au rapport de force pour faire changer les choses. Le noir et blanc rehausse la beauté des visages mais il ne suffit pas et peut lasser à la longue, estime-t-il. D'ailleurs, deux petits garçons, Paul et Noé venus regarder l'exposition avec leur mère et interrogés sur leurs impressions, sont allés dans ce sens : leurs photos préférées étaient sans conteste celles avec de la couleur. Jean-Baptiste Evrard utilise régulièrement depuis ses premières photos des touches de rouge dont il colore quelques détails, ces couleurs étant emblématiques de la résistance. Ainsi, sur une photo, le slogan "Nous sommes majoritaires" apparaît-il en rouge pour rappeler le contexte du recours au 49.3 alors que 70% des Français étaient défavorables à la Loi Travail.
Si ses sujets de prédilection n'ont pas changé depuis qu'il a commencé la photographie, les touches de couleur qui les mettent en valeur se sont diversifiées, grâce à une meilleure maîtrise du logiciel, donnant plus de dynamisme, de mouvement et de diversité aux photographies. Le travail de traitement représente un investissement important pour ce militant qui ne compte pas ses heures.
C'est l'image d'une humanité fière de ses combats, fière de se montrer sans crainte du contrôle des renseignements généraux, joyeuse mais aussi déterminée qui transparaît dans ce travail. C'est un témoignage rare que les media tenus par les puissants se gardent bien de montrer car il est en soi subverstif : la manifestation peut être heureuse et festive, sereine et créative, pleine d'espérances en un monde solidaire. Ce n'est donc sûrement pas un hasard si la presse locale n'a pas fait le déplacement pour ce premier vernissage de Jean-Baptiste Evrard. Elle a sûrement eu tort car en ne voyant que l'oeuvre d'un militant, elle n'a pas vu l'artiste.
L'exposition est visible aux Thétards jusqu'au 26 mai.

Texte et photos : Laura Sansot.
Les photos de manifestations sont évidemment l'oeuvre de Jean-Baptiste Evrard!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire